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« ordinaires sont tout prêts à l’aider. » La division eut lieu après le discours de lord John Russell, et 317 voix contre 184 se prononcèrent pour le bill.

Restait la chambre des lords, cette chambre vénérable où siégent les évêques, et qui si long-temps opposa à l’esprit de réforme une résistance obstinée ; mais la chambre des lords, impuissante sous lord Grey et lord Melbourne, est, sous lord Wellington, l’image même de la docilité. Le vieux duc, le duc de fer (iron duke), comme on l’appelle, se lève à demi, et d’une voix cassée dicte un ordre qui est aussitôt obéi. Or, le vieux duc voulait que le bill passât vite et sans bruit. Malgré le duc de Newcasle, qui, se levant précipitamment, demanda si la reine pouvait faire une telle proposition sans perdre ses droits à la couronne, malgré l’évêque de Londres, l’évêque de Cashel, lord Roden, lord Winchelsea et l’évêque d’Exeter, qui dénoncèrent, comme un péché contre Dieu même, toute subvention à l’église de l’antéchrist, la seconde lecture passa donc en trois séances à 226 voix contre 69, et définitivement à 181 voix contre 50. Parmi ceux qui défendirent le bill, on distingua lord Normanby, lord Stanley, lord Brougham, lord Monteagle, lord Spencer, et même deux évêques, l’évêque de Norwich, dont j’ai déjà parlé, et l’archevêque de Dublin, le docteur Whately, homme très distingué que les whigs ont choisi. On peut juger de la colère où tant de précipitation et une si forte majorité jetèrent le parti ultra-protestant et les journaux qui le représentaient. Il n’y eut pas assez d’injures contre la platitude de la chambre haute et contre la tyrannie de son commandant en chef, le maréchal duc de Wellington. Il fallut pourtant bien se rendre, et remettre à l’époque des élections le châtiment des traîtres et des apostats.

Ainsi se termina ce grand débat, qui avait si généralement, si profondément irrité la fibre protestante. Selon la juste remarque de sir Robert Peel, le sujet de ce débat était assez insignifiant par lui-même, et il paraissait singulier de s’échauffer beaucoup et long-temps pour savoir si l’on donnerait par an à Maynooth 9 ou 27,000 livres ; mais a cette question secondaire deux questions capitales s’étaient jointes, celle de la liberté religieuse et des églises d’état, celle de la situation de l’Irlande et de la justice à lui rendre. Tous les préjugés s’étaient donc réveillés toutes les passions s’étaient émues, et le premier ministre, abandonné outragé par la moitié de sa majorité habituelle, n’avait dû son succès définitif qu’à sa persévérance et au concours généreux de ses adversaires politiques. Enfin la bonne cause triomphait, et les dissidens, qui, dans cette affaire comme dans celle de