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du parti conservateur, et M. Plumptre appela sur le ministère et sur la majorité les foudres vengeresses du Très-Haut. A tout cela, sir James Graham répondit simplement que, « s’il était le ministre protestant d’une reine protestante, il était aussi le ministre d’une reine qui avait huit millions de sujets catholiques.. » Quant à sir Robert Peel, c’est dans un noble et beau discours qu’il supplia le parlement de terminer dignement cette grande lutte. Il reconnut franchement que l’opinion publique s’était prononcée en Angleterre et en Écosse contre le bill de Maynooth ; « mais si, dans un gouvernement libre, il fallait toujours respecter l’opinion publique, il était quelquefois, pour les hommes d’état, un devoir rigoureux, celui d’y résister. Au début de la lutte, le bill n’avait peut-être qu’une importance secondaire. Il en avait aujourd’hui une immense par les principes qui s’y rattachaient, et plus encore par ceux à l’aide desquels on était venu le combattre. Si ces derniers principes prévalaient, il faudrait désespérer de tenir unies l’Angleterre et l’Irlande. » Après sir Robert Peel, lord John Russell, à son tour, expliqua la conduite de l’opposition. « L’opposition, dit-il, pouvait renverser le cabinet, mais c’était aux dépens de toute justice et prit de parti, dans les assemblées délibérantes, est une excellente chose, puisque sans lui il n’y aurait jamais d’efforts concertés ; l’esprit de parti, néanmoins, a ses inconvéniens quand on ne le tient pas en bride. » Prenant acte d’une parole de lord Ingestre, qui, tout en votant pour le bill avait avoué qu’il eût voté contre, si les whigs l’eussent présenté, lord John Russell lui laissait tout l’honneur d’une telle déclaration. « Qu’on n’aille pas d’ailleurs, ajoutait-il, crier, comme « d’usage, à I’ingratitude si les Irlandais ne se tiennent pas pour satisfaits. Depuis que les atroces lois pénales ont été abandonnées, ce cri de perroquet revient sans cesse : — Voyez, dit-on, ces catholiques ! on veut bien leur permettre d’élever leurs enfans, d’avoir des prêtres de leur religion, de posséder des chevaux qui valent plus de 50 liv. sterl., d’aller à la messe, d’hériter de leurs parens, et pourtant cette nation sauvage n’est pas contente et réclame encore davantage ! — Oui, elle demande davantage, et elle demandera davantage jusqu’à complète égalité. » Lord John Russell terminait en démontrant l’absurdité du rappel, même pour l’Irlande. Il était donc prêt à le repousser ; mais, pour le repousser honnêtement, efficacement, il fallait accorder à l’Irlande tout ce qui lui était dû. « Que le gouvernement ne s’arrête pas là, et qu’il sache bien désormais que, lorsqu’il s’agit de rendre justice à l’Irlande, ses adversaires