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des membres du parlement eussent pu s’associer aux honteuses clameurs dont les meetings protestans retentissaient depuis quelque temps contre le catholicisme. Il présenta enfin sa motion comme un moyen de ramener les dissidens. Le capitaine Berkeley et M. Roebuck parlèrent dans le même sens, sir James Graham et sir Thomas Freemantle, secrétaire pour l’Irlande, dans un sens contraire. Comme d’ordinaire, le discours capital de la séance fut celui de M. Macaulay. Très nettement, très positivement, très énergiquement, M. Macaulay se prononça contre l’établissement anglican en Irlande, institution stupide et déplorable, abus énorme, dont on ne pouvait concevoir l’existence parmi des hommes civilisés ; puis, passant du fait au droit, « toute église établie, s’écria M. Macaulay, doit être l’église de la majorité. Pendant vingt-huit ans, l’Angleterre a voulu imposer à l’Écosse un établissement épiscopal, et, pendant vingt-huit ans, des scènes d’anarchie et d’horreur ont désolé le pays. Il faut terminer le désordre en Irlande comme en Écosse. Quoi qu’on fasse, cela arrivera par principe si le ministère est libéral, et par peur s’il est conservateur. » Une fois sur ce terrain, M. Macaulay ne le quitta pas sans avoir une fois de plus mis en pièces sir Robert Peel et sa politique. « Il y a, dit-il, grand danger à tout céder à la peur, rien aux principes. Il y a grand danger à apprendre ainsi aux agitateurs que ce n’est point par la raison, mais par la menace qu’ils obtiendront justice. Les véritables auteurs du bill actuel, c’est M. O’Connell, c’est M. Polk. M. O’Connell et M. Polk obtiendront plus encore s’ils le veulent. »

Sur le fond de la question, sir Robert Peel maintint son opinion bien connue et défendit l’établissement anglican en Irlande. Il expliqua ses paroles sur l’Orégon et nia qu’il eût cédé à la peur ; mais, dit-il, M. Macaulay paraît désolé de voir passer une mesure qu’il approuve. On dirait que le mécontentement de l’Irlande est son domaine particulier, et qu’il a peine à s’en dessaisir. » Après sir Robert Peel, lord John Russell et lord Palmerston exprimèrent leur opinion plus timidement, bien qu’à peu près dans les mêmes termes que M. Macaulay. Tous deux déclarèrent que l’établissement irlandais ne pouvait rester dans son état actuel, et qu’il fallait le modifier ; tous deux pensèrent qu’il convenait de donner à l’Irlande un établissement protestant proportionnel au nombre des protestans, un établissement catholique proportionnel au nombre des catholiques. La motion de M. Ward fut ensuite rejetée par 322 voix contre 148.

Il faut le dire, ce langage de M. Macaulay, de lord John Russell,