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le bill impie qui avait émancipé les catholiques. Déjà d’ailleurs « le jugement de Dieu pesait sur la chambre des communes, et sur les murs de la vieille chapelle de Westminster on pouvait lire en lettres de feu les paroles terribles du festin de Balthasar. » Parmi les journaux libéraux, l’accord était moins parfait. Le Chronicle approuvait purement et simplement, tout en s’applaudissant un peu ironiquement d’avoir entendu sir Robert Peel déclarer que la conciliation était le seul moyen de gouvernement en Irlande, tout en se réjouissant d’avoir vu « le fougueux ministre de l’intérieur affronter les clameurs des ultra-tories, et se tourner vers le banc où siégeaient, frappés de stupeur, sir Robert Inglis, lord Ashley, M. Plumptre, pour leur dire, en rétractant ses anciennes injures, que le temps de la suprématie protestante était définitivement passé. » L’Examiner s’efforçait de prouver que le bill n’avait aucune valeur, et que c’était beaucoup de bruit pour rien. Il le trouvait bon néanmoins, mais il accablait en revanche sir Robert Peel des épithètes les plus grossières, telles que misérable, hypocrite, filou, etc. Selon l’Examineur, sir Robert Peel était un homme perdu qui se pavanait dans son infamie. La discussion l’avait dépouillé de ses derniers vêtemens, et la décence publique voulait qu’il se cachât désormais. — Lord Ashley, ajoutait ce journal, a fait le touchant tableau de ces êtres misérables que l’on condamne dans les mines au travail des bêtes. Il n’a rien décrit de plus triste, de plus humiliant, de plus dégradant, que sir Robert Peel publiquement flagellé par M. d’Israëli et par M. Macaulay. » Le Globe, de son côté, restait fidèle au principe volontaire, et déplorait la fatale générosité des whigs. Quant au Spectator, il plaidait pour sir Robert Peel à sa manière. « C’est, lisait-il, un homme qui raisonne mal, mais qui voit juste ; voilà pourquoi il est absurde dans l’opposition et sensé au pouvoir. » Le Spectator remarquait en outre « qu’au milieu de la décomposition des anciens partis, il était simple que chacun cherchât ses affinités naturelles. L’opération pouvait réussir ou échouer ; mais la vieille politique n’en avait pas moins été ruinée, et la lie du vieux torysme précipitée. Tout cela était bon pour le pays et pour la grande cause de la justice et de la liberté. »

Pendant ce temps, les meetings, les adresses, les pamphlets les placards, les sermons, se multipliaient par toute l’Angleterre et redoublaient de virulence. Les pétitions se signaient avec plus d’ardeur que jamais, et presque tous les membres de la majorité, whigs ou tories, recevaient de foudroyantes proclamations, dans lesquelles un grand