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le signe d’une décomposition imminente. Il convient d’ajouter que M. Ward d’abord, puis M. Newman, viennent tout récemment de prendre leur parti, et de se faire purement et simplement catholiques romains. C’est un évènement dont l’église anglicane se réjouit, parce que, selon elle, il doit ouvrir bien des yeux, éclairer bien des esprits. Au point de vue de son intérêt immédiat, l’église anglicane a raison ; mais se croit-elle bien en sûreté quand un si grand nombre de ses membres ont si peu de chemin à faire pour se trouver réunis à une autre église ?

Quoi qu’il en soit, voici quelle est aujourd’hui la position. Entre les diverses opinions qui, sur la foi d’une vieille transaction et d’habitudes établies, sommeillaient en paix au sein de l’église anglicane, le pacte est rompu, la guerre a recommencé. A l’une des extrémités, ce sont les anglo-catholiques se recrutant en général dans l’aristocratie, pleins d’ardeur et d’enthousiasme, pour qui il n’est pas d’église véritable sans épiscopat, sans tradition, sans symboles, sans cérémonies extérieures, et qui chaque jour se rapprochent davantage de l’église romaine. A l’autre extrémité, ce sont les évangéliques, dont la puissance réside surtout dans les classes moyennes fortement imbus des vieilles idées puritaines, pour qui l’église consiste fondamentalement dans l’assemblée des fidèles, qui se méfient de la tradition, qui détestent les symboles et les cérémonies comme un reste de superstitions papales, pour qui Rome est encore la prostituée de Babylone, et qui chaque jour font un pas vers les sectes dissidentes. Puis, au milieu, c’est le parti de l’église anglicane pur, parti plus politique que religieux, qui voudrait, tantôt par persuasion, tantôt par force, mettre un terme à de tristes dissidences, mais qui, quelque moyen qu’il emploie, de quelque côté qu’il se tourne, est également impuissant, s’il n’obtient pas l’aide au moins momentanée d’une des deux fractions opposées. Ajoutez que dans ce parti même il y a des dissentimens nombreux, les uns inclinant vers les anglo-catholiques, les autres vers les évangéliques. Ajoutez aussi qu’il se trouve placé entre deux impossibilités, celle de rendre à la liturgie son ancien prestige, et celle de la réformer. Jusqu’ici, on souscrivait les trente-neuf articles de confiance en quelque sorte, et sans savoir, sans se demander quelles pouvaient en être les contradictions et les ambiguïtés. Aujourd’hui, chacun sait qu’en souscrivant les trente-neuf articles, il souscrit les articles qu’on peut interpréter de diverses façons, et qui, s’accordant mal entre eux, s’accordent moins encore avec le livre de prières.