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puis pour empêcher le retour à l’ancienne rubrique. Encouragée par ce double succès, elle résolut de faire un pas de plus et de frapper un coup qui prévînt à l’avenir toute déviation, soit vers le catholicisme, soit vers le rationalisme. Un membre de l’école anglo-catholique, le plus exalté de tous, venait de publier un livre qui, pour la hardiesse les doctrines et pour la liberté du langage, dépassait de beaucoup les sermons du docteur Pusey et les traités de M. Newman. Dans ce livre, intitulé Idéal d’une Église chrétienne, M. Ward, ministre anglican et agrégé de l’université d’Oxford, n’hésitait pas à déclarer en toutes lettres que « la réformation anglaise était un misérable évènement, un évènement coupable qu’on devait envisager avec les sentimens d’une haine profonde et ardente. » Quant à l’église anglicane, dans son état actuel, il l’accusait « de n’avoir aucun système de discipline morale pour les pauvres ni pour les riches, de négliger tous ses devoirs comme gardienne de la moralité publique, aussi bien que comme conservatrice de l’orthodoxie, enfin d’être dénuée de tout caractère extérieur, et de vouloir se maintenir dans une position qui ne pouvait se défendre par aucun argument rationnel, historique ou ecclésiastique. » Puis, comparant l’église anglicane à l’église romaine, M. Ward donnait raison à celle-ci presque sur tous les points. Il se déclarait d’ailleurs prêt à souscrire chaque matin les trente-neuf articles, dans un sens non naturel, c’est-à-dire le sens qu’il lui plairait de leur attribuer mentalement.

Il était certes difficile qu’une déclaration si audacieuse, qu’une accusation si directe s’élevât du sein même de l’université sans que les dignitaires de cette université s’en préoccupassent. Le bureau des chefs de collége et des procureurs (heads of houses and proctors) arrêta donc qu’une convocation générale aurait lieu, et qu’il serait proposé à cette convocation : 1° de condamner le livre de M. Ward, 2° de dégrader M. Ward lui-même, s’il ne se rétractait pas. Toutefois, le bureau ne s’arrêta pas là, et il voulut profiter de l’occasion, d’une part pour condamner le traité 90 de M. Newman, de l’autre pour faire voter une résolution de laquelle il résulterait que « les trente- neuf articles doivent être souscrits honnêtement et dans leur sens grammatical. » Or, c’était commencer le feu non-seulement contre les anglo-catholiques, mais aussi contre les rationalistes ; c’était détruire l’espèce de liberté dont on avait joui jusqu’alors, et frapper l’évêque de Norwich aussi bien que l’évêque de Londres. Aussi les latitudinaires de toute couleur firent-ils promptement alliance, et protestèrent-ils avec énergie contre le nouveau test. D’un côté, le docteur