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se croit tout à coup possédé du diable ; il ne songe plus dès-lors qu’à conformer ses actions à cette nouvelle destinée. Le sentiment religieux se tourne dans son cœur en rage, en désespoir ; son esprit malade se nourrit de pensées infernales ; il veut recommencer Judas. Le voilà donc qui se dispose à communier en état de péché mortel, afin de trahir et de crucifier Dieu dans son cœur. M. de Lamennais a connu cet homme, chez lequel évidemment la maladie avait créé une seconde nature. Nous laisserons les théologiens disputer entre eux pour savoir si derrière ce grand trouble le principe immortel de notre nature était demeuré indépendant ; les manifestations du moins étaient viciées, et ce sont les manifestations que juge la loi humaine.

« Il y a encore, nous disait le docteur Voisin ; dans nos prisons, dans nos bagnes et jusque sur nos échafauds des hommes dont la vraie place serait dans nos hospices ou dans nos maisons de santé. La science finira par amener dans l’exercice de nos lois des réformes nécessaires. Avant de punir un homme, il faudrait connaître la part de liberté qui lui a été dévolue par la nature. » M. Brierre de Boismont a soutenu à peu près dans son ouvrage les mêmes idées. Nous ne savons trop si le moment est venu de discuter ces problèmes effrayans devant lesquels tremble toute l’ancienne échelle de la pénalité. Toujours est-il que la conscience ne peut, sans frémir, agiter de pareils doutes ; car à ces doutes est attachée la vie ou la mort d’un homme. Nous nous bornerons à conclure pour le présent qu’une enquête médico-légale devrait être appliquée à la plupart des auteurs de ces crimes dont la nature intéresse à la fois la science et la justice ; autrement, la société punit souvent ceux qu’elle devrait, guérir.


V. – DU TRAITEMENT DE L'HALLUCINATION.

Le traitement des hallucinations doit avoir pour base la connaissance philosophique de l’homme. Nos maladies participent de notre double nature : elles sont tantôt physiques, tantôt morales, et le plus souvent mêlées. Les deux doctrines rivales que nous avons vu partager les écoles anciennes et modernes, nous les retrouvons en présence sur le terrain de la médecine pratique. Le matérialisme et le spiritualisme ont calqué chacun leur traitement sur les idées qu’ils se faisaient de l’homme malade. Les médecins qui n’ont cru reconnaître dans la folie qu’un désordre du cerveau se sont arrêtés à l’emploi des moyens physiques. Cette méthode nous semble au moins insuffisante. Il nous