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la pensée de créer des catégories de fonctionnaires pour leur attribuer un mérite différent ; au contraire, nous nous plaignons de l’inégalité établie entre des situations de la même importance, ou qui ne sont pas séparées par un assez grand intervalle pour justifier la différence des salaires. Il est juste sans doute d’avoir égard à la considération plus grande attachée aux fonctions qui sont le moins rétribuées ; mais ne doit-on pas leur tenir compte des longues études qu’elles ont exigées, des obligations qu’elles imposent, des qualités de l’esprit qu’elles réclament ? et, à supposer même qu’elles ne dussent pas être mises sur un pied d’égalité, est-il convenable, sous le rapport des traitemens, de les placer à une telle distance des autres ? À ces critiques, nous en ajoutons une dernière : nous pensons qu’un grand nombre de traitemens sont trop faibles.

En thèse générale, l’état doit rémunérer sans parcimonie ceux qui le servent. Il ne peut compter sur le zèle, sur l’exactitude et sur la capacité que comporte chaque emploi, qu’autant qu’il assure au moins l’existence aux derniers agens, l’aisance à ceux qui sont dans les rangs intermédiaires, et une situation élevée à ceux qui occupent les premiers postes. Il faut que les dépositaires de son autorité soient contens de lui, pour qu’à son tour il soit content d’eux ; il faut que la condition qui leur est faite les affranchisse au moins de premiers soucis de l’existence domestique, sans quoi ils ne donnent à la chose publique qu’une attention distraite et un cœur troublé. Il faut que l’état puisse, quand les fonctions le requièrent, obtenir d’eux le sacrifice entier de leur temps et l’application exclusive de leur esprit. Il faut enfin que les traitemens soient en rapport avec le taux général des salaires dans les positions correspondantes des carrières libres et avec les besoins de la vie sociale. Les dépenses qu’entraîne une suffisante rémunération des fonctions publiques ne sont point perdues pour l’état. En effet, les fonctions mal payées sont mal remplies, et trop souvent il devient nécessaire de suppléer à de mauvais services par une ruineuse augmentation dans le nombre des agens. Nous admettons qu’on porte en compte la stabilité des emplois publics et l’honneur attaché au service de l’état, mais ces avantages ne peuvent jamais influer sur la partie du salaire qui est destinée à pourvoir à des nécessités réelles.

Des raisons spéciales à chaque catégorie de fonctionnaires, en les classant d’après le rang, corroborent ces considérations générales. Souvent les plus humbles sont préposés aux devoirs les plus délicats.