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porter ses fruits. Gardons-nous de croire que les hommes n’obéissent plus qu’à un vil intérêt. L’intérêt même n’est pas suffisamment excité. Dans quelques administrations centrales, un crédit est ouvert au budget pour récompenser les employés qui se sont distingués ou qui ont accompli des travaux extraordinaires ; mais le plus souvent on ne voit dans ces allocations qu’un supplément habituel du traitement, on les répartit chaque année à peu près également, sans autre règle que le caprice des chefs intermédiaires, et le but est manqué. Il est vrai que l’avancement est promis aux bons services ; mais, la promesse fût-elle sincère, les moyens de la tenir existent-ils toujours ? Cet état de choses est regrettable. — La fidélité, le dévouement, le travail probe et assidu, ne sont pas suffisamment encouragés ; l’état est privé d’un de ses moyens d’influence les plus efficaces et les plus féconds.


VI.

Si l’on donne le nom de droits à des prérogatives qui pourraient s’exercer aux dépens de l’intérêt public, les fonctionnaires n’en ont point ; mais si l’on appelle ainsi des avantages destinés à profiter directement ou indirectement à l’état en même temps qu’à ceux qui le servent, on peut dire en effet que les fonctionnaires ont des droits. Ces droits se rapportent à trois objets principaux : la stabilité de l’emploi, la protection de celui qui l’exerce relativement aux actes qui en dépendent, et enfin le salaire.

La possession d’un emploi est un titre, non que celui qui l’occupe ne puisse le perdre en aucun cas et soit jamais autorisé à en disposer, mais il n’en peut être écarté sans motifs, et n’est pas livré à un arbitraire absolu. C’est un avantage attaché aux fonctions publiques, et qui en accroît la valeur. Les droits des fonctionnaires - à la conservation de leur emploi sont divers. Plusieurs catégories jouissent de l’inamovibilité. Deux seulement tiennent ce privilège de la charte, les juges nommés par le roi et les officiers : les premiers ont obtenu cette garantie exceptionnelle pour que la justice ne pût jamais être soupçonnée de manquer d’indépendance, les seconds parce que leur profession est un devoir du citoyen, et que le choix n’en est pas toujours libre. Des décrets impériaux garantissent également contre une révocation arbitraire les membres de l’université et les ingénieurs des ponts-et-chaussées et des mines : on a pensé que les longues et pénibles