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temps dans le domaine commun des Annales de Halle. On ne voit pas qu’il fût si urgent de publier, après tant de pamphlets, un pamphlet nouveau, tristement pensé, lourdement écrit, sur le catholicisme du moyen-âge. M. Rauwerck a déjà publié deux livraisons de son ouvrage, la première sur l’infaillibilité du saint-siège, la seconde sur les indulgences ; il annonce l’histoire du célibat, de l’inquisition, du jésuitisme, en faisant remarquer combien il importe qu’un écrivain populaire apprenne à la nation allemande la vérité complète sur l’église catholique. Décidément, la manie de la révélation se propage ; c’est la maladie courante ; M. Rauwerck proclamant la nécessité de sa venue me paraît aussi original que M. Ronge. Mais continuons. Une mention particulière est due à M. Maron, qui a fait de son mieux pour être distingué dans la foule. Son écrit porte ce titre : Le Progrès religieux de notre temps. Singulier progrès, à coup sûr, et singulière religion ! L’auteur commence par déclarer qu’il lui est impossible de croire à l’immortalité de l’ame, dogme absurde, et qui ne peut convenir qu’aux égoïstes. L’humilité est à ses yeux une chose abominable, un vice contraire à la dignité humaine. Après cela, il n’est pas bien étonnant qu’il proscrive le carême. « Étrange façon d’honorer Dieu ! s’écrie-t-il. Quoi ! humilier son esprit, affaiblir la vigueur de son corps ! » Pour lui, il est bien décidé à faire tout le contraire, et à croître, le plus qu’il pourra, en force et en joyeuse santé. — Est-ce bien en Allemagne qu’on imprime ces grossières paroles ? Hélas ! quand l’esprit de Voltaire passe le Rhin, que devient sa finesse, sa vivacité, souvent cruelle, mais si légère, si élégante ? Tout cela disparaît dans un matérialisme éhonté. Rejetons bien loin ces sottises extravagantes qui feraient trop beau jeu aux invectives de Goerres, aux reproches envenimés de Menzel, aux dénonciations de l’homme d’état.

Je veux terminer cette revue rapide en signalant deux écrits tout-à-fait dignes d’estime, et dus à deux ecclésiastiques distingués, l’un catholique, l’autre protestant. M. Staudenmaier, professeur à l’université catholique de Fribourg en Brisgau, a établi fortement ce que c’est que le catholicisme ; c’est le titre même de sa brochure, l’Essence de l’église catholique (Das Wesen der catholischen Kirche). Il restitue avec netteté le caractère de sa religion, obscurci par tant de controverses, et dont le nom a été usurpé par la secte nouvelle ; il montre ce grand édifice avec sa discipline, sa hiérarchie, sa constitution puissante, et n’a pas de peine à prouver que M. Ronge s’attribue un titre qui ne lui appartient pas. L’écrit de M. Staudenmaier est, du reste,