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ultracatholiques ; les jeunes princes, et surtout le prince Luitpold, sont occupés sans cesse à contenir ce caractère emporté, et, quand cela est possible, à réparer ses fautes. De son côté, la Prusse choisissait pour représentans auprès du roi Louis des hommes pleins d’ardeur. M. de Küster, ministre de Prusse à Munich, fut rappelé au mois d’avril dernier, parce qu’on le jugeait trop peu énergique pour lutter contre l’esprit ultramontain. M. de Rochow, qui fut désigné d’abord pour lui succéder, est un homme habile, actif, entreprenant, un caractère résolu ; M. de Rochow n’alla pas en Bavière, il fut envoyé peu de temps après à Saint-Pétersbourg, mais sa nomination et le rappel de M. de Küster avaient déjà été considérés comme une menace. Il y avait donc, on peut le dire, une sorte d’hostilité ouverte entre le cabinet de Munich et celui de Berlin.

Malgré cette hostilité, malgré les rancunes qu’il gardait à la Bavière, le gouvernement prussien commençait à regretter sa tolérance. A la peur qu’inspirait le communisme venaient se joindre chaque jour des symptômes inquiétans : les dissidens n’avaient pu établir une paroisse à Berlin ; ils y étaient venus après le concile de Leipsig, mais ils avaient attiré plus de curieux que de prosélytes. De hautes protections pourtant ne leur avaient pas manqué ; des professeurs de l’université, et des plus illustres, avaient fait des efforts extraordinaires pour organiser une paroisse de catholiques allemands ; plusieurs d’entre eux voulurent entraîner un des vicaires de la paroisse catholique dans la révolte de Ronge et de Czerski, et lui offrirent la direction de l’église nouvelle à Berlin. Des noms justement célèbres, M. de Raumer et M. Ranke, avaient signé cette incroyable lettre. Le digne prêtre répondit qu’il trouvait la proposition abominable, et qu’il la déclarerait telle en chaire ; c’est ce qu’il fit au prône le dimanche qui suivit. Les luttes, les attaques directes, les personnalités violentes étaient donc introduites à Berlin même. Tandis que des hommes comme Raumer et Ranke s’employaient si activement pour les sectaires, le danger grossissait ailleurs ; on était envahi de tous côtés ; après tant d’hésitations, il était bien temps de se décider enfin. C’est le 30 avril que fut signé en conseil le premier arrêté sérieux concernant l’église catholique allemande. Le culte nouveau n’était pas reconnu ; ses ministres, par conséquent, n’avaient aucune relation avec la puissance temporelle, et le droit de tenir des registres d’état civil leur était formellement dénié : les dissidens, sur ce point-là, étaient renvoyés à l’autorité protestante ; tous les actes civils devaient leur être délivrés par les ministres du culte évangélique.