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dans le domaine des choses politiques, un radicalisme tout aussi résolu. Il est difficile, je le sais bien, de connaître exactement ce que veulent les amis des lumières. Ce parti est composé de mille élémens bizarres ; je l’ai entendu comparer à cette secte des indépendans qui se forma, sous Cromwell, à côté des presbytériens, et qui n’était guère qu’une association de libertins et d’esprits forts. Il y a des hommes graves parmi les amis des lumières, il y a des théologiens rationalistes, comme leur chef, le pasteur Uhlich ; puis il y a des matérialistes sérieux, convaincus, des disciples fanatiques de Feuerbach et de Bruno Bauer, qui acceptent délibérément les conséquences de leur grossière doctrine ; il y a enfin des adeptes beaucoup moins graves, ou, pour parler franchement, un peu plus courbés vers la matière ; à dire vrai, ce n’est pas un parti, c’est une foule. Tous ces hommes sont réunis par l’instinct confus des haines qui divisent l’Allemagne, par le besoin fébrile de mouvement politique, par des ambitions confuses dont ils ne se rendent pas un compte très net ; le jour où ils voudront convenir d’un programme, leur société se rompra. En attendant ils devaient mettre à profit la révolte des dissidens catholiques et ils n’y ont pas manqué. Les amis des lumières, et, parmi eux, les communistes, avaient depuis long-temps de secrètes et actives influences dans la Silésie ; l’affreuse détresse de ce pauvre peuple préparait si aisément les voies aux menées des agitateurs ! C’est là que Ronge et Czerski dirigèrent leurs efforts ; le mouvement était sorti de la Silésie, et c’est en Silésie qu’il se développa avec le plus de force. Ces relations des amis des lumières avec les nouveaux catholiques, avec Ronge particulièrement, devinrent bientôt plus évidentes, lorsque les deux réformateurs, au mois de mars dernier, dans leur prétendu concile de Leipsig, voulurent établir les principes de la nouvelle église et organiser une constitution. Nous avons indiqué plus haut les dissidences qui se manifestaient déjà au sein du schisme naissant, d’un côté les tendances plus religieuses de Czerski, de l’autre la direction rationaliste et protestante de Ronge. Le concile de Leipsig allait décider entre l’apôtre des Slaves et l’apôtre des Allemands, ou plutôt, pour employer des termes mieux appropriés, Ronge et Czerski allaient discuter aussi gravement que possible dans un conciliabule. Mais Czerski avait grand tort de s’aventurer à Leipsig ; il n’était plus sur son terrain ; les tempéramens à moitié catholiques qu’il admettait encore, pour ne pas choquer les Slaves, ne convenaient guère ici, en Saxe, sur le sol natal du protestantisme ; Czerski fut battu et devait l’être. Le symbole voté par le concile de Leipsig est un symbole