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catholicisme, mais on les tolérait, on les accueillait avec indulgence, et cette conduite, en face des cabinets de Vienne et de Munich, prenait une signification assez expressive. L’Autriche et la Bavière se plaignirent amèrement ; les ambassadeurs catholiques agirent avec force auprès du ministère prussien : vaines tentatives ! on était décidé à ne point inquiéter les dissidens. Un des principaux membres du cabinet, M. de Bulow, répondait gaiement à toutes les plaintes ; il affectait de traiter la question avec légèreté, et reprochait aux puissances méridionales d’attacher beaucoup trop d’importance à ces petites querelles. On insistait, on lui disait au nom du roi Louis et du prince de Metternich : « Vous pouvez du moins empêcher Ronge de donner à sa secte le nom d’église catholique ; c’est une usurpation. » A cela, le cabinet de Berlin répondait avec assurance : « L’église catholique est romaine ; ce n’est pas à nous qu’il appartient de lui maintenir ce titre d’église catholique, qui lui est disputé aussi par l’église grecque. D’ailleurs la Prusse n’a pas eu assez à se louer du saint-siège dans l’affaire de Cologne, pour qu’elle doive être si empressée aujourd’hui à défendre les intérêts de Rome. » C’était là surtout l’opinion du roi, et il l’exosait avec cette vivacité fantasque qui lui est familière. Il était facile de voir que le gouvernement prussien ne soupçonnait guère la gravité de la situation nouvelle. Si cette liberté accordée par lui aux dissidens eût été la conséquence d’un système bien arrêté, ce n’est pas nous qui le blâmerions ; nous blâmons la légèreté, l’incertitude d’une politique étourdie. Après avoir favorisé ou toléré le développement du culte nouveau, le roi de Prusse sera conduit tout à l’heure à le poursuivre et à menacer toutes les libertés intellectuelles. Une politique prévoyante et ferme eût épargné au cabinet de Berlin ces changemens, ces retours subits, ces hésitations de chaque jour. Par malheur, on ne s’était guère inquiété des principes ; les discussions scolastiques remplaçaient, au sein même du conseil, l’étude attentive des faits ; on avait affaire à un roi savant, érudit, théologien, et trop souvent, malgré les efforts des conseillers de la couronne, Frédéric-Guillaume tranchait toutes les délibérations par un texte de Mélanchton ou des Pères de l’église.

Ce n’était pas cependant chez les Pères de l’église qu’il était possible de trouver une réponse à ces difficiles problèmes plus compliqués d’heure en heure. La secte des amis des lumières commençait à se mettre en mouvement. Le prétexte de leurs réunions, c’était le besoin de repousser les attaques des piétistes ; quant au but sérieux, le Voici : d’abord l’affranchissement de toute autorité religieuse, et,