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apostolique, Ronge avait choisi celui d’église catholique allemande ; des deux côtés, le titre est faux ; ce qu’ils venaient d’inventer, c’était le protestantisme, moins ces vigoureuses ressources que contenait l’œuvre de Luther, moins cette originalité puissante qui assure sa durée. Mais qu’importe la faiblesse de l’entreprise ? Nous ne sommes plus au XVIe siècle, et, je l’ai dit plus haut, il s’agissait bien plus de politique ici que de religion. Le culte nouveau ; si insignifiant qu’il pût être, suffisait bien à l’emploi qu’on lui destinait.


III.
Le synode de Brandebourg. — Attitude de la Prusse. — Le concile de Leipsig. — Le cabinet de Berlin et le cabinet de Munich.

J’ai dit que tous les partis avaient tour à tour, et selon l’occurrence appuyé la révolte des catholiques allemands ; il est curieux que ce soient les piétistes qui aient commencé. A l’époque où se passaient les évènemens que nous venons de rappeler, les piétistes étaient sur le point de livrer une grande bataille qui devait décider de leur fortune ; soutenus par un très haut patronage, ils ne voulaient pas moins que le gouvernement absolu de l’église évangélique. Cette grande affaire allait se régler au synode général de Brandebourg, dont la session annuelle venait de s’ouvrir. L’épisode que je signale ici se rattache trop directement à mon sujet pour que je m’abstienne d’en parler ; aussi bien, si l’on veut connaître l’état des églises protestantes dans l’Allemagne du nord, ce tableau du synode général est un document précieux qu’aucune réflexion ne remplacerait.

Le synode ouvert, le gouvernement prussien lui soumit onze propositions, résultat des délibérations qui avaient eu lieu dans le courant de l’année au sein des synodes d’arrondissement. Il suffit de parcourir rapidement ces onze propositions pour voir qu’elles sont le programme même des piétistes. Ce programme avait été élaboré par de nombreux synodes ; il était appuyé, il était présenté par le ministère des cultes ; c’étaient là sans doute de puissans auxiliaires ; eh bien ! malgré tout cela, malgré cet appui si fort, on demeure stupéfait en lisant ce manifeste, on n’ose croire à cette incompréhensible audace à cet absurde aveuglement de tout un parti. Le texte de ce programme vraiment extraordinaire mériterait d’être connu en entier, mais la citation serait bien longue ; j’extrairai seulement deux ou trois articles qui en indiqueront assez l’esprit général. Ainsi, dès le commencement, dès l’article 2, on demande qu’un tribunal de conscience soit