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l’article 16 de la diète fédérale leur assurent le libre exercice de leur culte ; ce ne sont pas eux qui se séparent de la religion nationale les dissidens, les sectaires, ce sont les fondateurs de l’église évangélique. Voilà quelles difficultés rencontrait et rencontre encore cette union des deux églises. En ce moment, le nombre des vieux luthériens s’élève environ à huit mille. Il n’y a rien là de très inquiétant, je le veux bien ; ce qui est grave, c’est l’adhésion donnée par des milliers de plumes aux principes des vieux luthériens. Chaque jour ces protestations se renouvellent ; je lisais récemment cette plainte douloureuse dans le livre d’un théologien[1], M. Bernhard König :

« J’ai été baptisé, enfant, dans la communion luthérienne ; cependant ce nom de luthérien, on me défend de le porter, et ici je me résigne sans trop de peine. Dans les nobles années de la jeunesse, j’étais fier d’être un protestant ; eh bien ! ce nom de protestant a été aussi frappé d’interdit ; il a fallu me soumettre, mais cette fois en grondant. A présent, l’on me donne (jusques à quand ? je l’ignore) le nom de chrétien évangélique. Je suis donc un chrétien évangélique jusqu’à nouvel ordre. »

Or, ce n’est pas seulement M. König qui parle de la sorte ; cette phrase, je l’ai lue partout, dans tous les livres, dans tous les journaux de la Prusse. Eh bien ! si une secte nouvelle se forme, de quelque côté qu’elle vienne, du catholicisme ou des églises protestantes, si cette secte attire l’attention publique, si elle grossit et devient assez forte pour exiger qu’on la reconnaisse, soyez bien sûr que tous ceux qui repoussent l’envahissement du pouvoir temporel profiteront aussitôt de ces orages, et que les chefs du mouvement nouveau, amis ou ennemis d’ailleurs, trouveront là une vigoureuse assistance.

Voilà déjà un appui tout prêt pour nos réformateurs ; je poursuis ce tableau des différens partis qui divisent le protestantisme. Un de ces partis, le plus embarrassant, sinon le plus redoutable, c’est celui des piétistes. Ne nous exprimons pas durement sur leur compte, comme on le fait trop souvent en Allemagne ; il faut savoir respecter, même dans leurs excès, les ardentes convictions de ces docteurs, il faut honorer surtout cette pieuse douleur que leur cause le spectacle de l’humaine misère, cette tristesse profonde qui s’est emparée d’eux, et qui les pousse en théologie aux dernières extrémités. J’ai lu dans bien des pamphlets que les piétistes’ étaient les jésuites de l’église protestante ;

  1. Die Neueste Zeit in der evangelischen Kirche des Preussischen Staats, von Bernhard König ; Brunswick, 1843.