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REVUE. — CHRONIQUE.

dans un discours que l’histoire a recueilli, il leur peignit en termes si énergiques et si touchans le sort des malheureux petits êtres en faveur desquels ses entrailles s’étaient émues, que, tout d’une voix, le concours qu’il sollicitait avec tant de chaleur lui fut accordé. La vie des enfans exposés fut désormais garantie. Le roi Louis XIII s’associa à cette œuvre par le don du château de Bicêtre et d’une rente de 4,000 livres. Anne d’Autriche donna aussi, plus tard, 8,000 livres de pension au nouvel établissement.

Les enfans, d’abord réunis à Bicêtre, n’y restèrent pas long-temps : la mortalité, qui fit de grands ravages parmi eux, persuada, à tort sans doute, que l’air y était trop vif pour leur jeune âge, et on les ramena à Paris, où ils restèrent, pendant quelque temps, sous la protection de Mme Legras, nièce du garde-des-sceaux Marilhac. L’établissement de Vincent de Paul se soutint par les dons de la charité privée, jusqu’à ce que Louis XIV, environ dix ans après la mort du saint fondateur, constitua et adopta définitivement, en 1670, ce que, par lettres patentes, il appelle avec raison un si bon œuvre. Nous n’entrerons pas dans le détail des règlemens qui, à cette époque, régissaient le sort des enfans abandonnés ; nous nous contenterons de dire que ce fut alors seulement que le principe du droit à l’assistance, pour ces pauvres créatures, admis depuis long-temps en théorie, fut définitivement mis en pratique.

Louis XV fit à l’hôpital des enfans trouvés des dons considérables, entre autres celui de 120,000 livres de rente, le 9 mars 1767, et, par une disposition que nous regrettons de ne pas voir conservée, il ordonna que les enfans trouvés du sexe masculin, élevés dans une famille, pourraient remplacer à la milice le fils, le frère ou le neveu du chef de famille qui les avait adoptés.

La convention ne pouvait oublier, dans ses vastes et généreux projets, des êtres si dignes de compassion. Aussi la loi du 28 juin 1793 est-elle un code complet en faveur des enfans abandonnés ; mais ses promesses ne purent se réaliser, et les pauvres enfans se ressentirent cruellement alors du malheur de tous. Cependant ce serait une grave erreur de croire que les travaux de la convention aient été sans influence sur le sort de ceux qu’elle appela noblement les enfans de la patrie. S’il ne lui fut pas donné de voir la réalisation de ses desseins, du moins il est juste de reconnaître qu’à cet égard elle a imprimé la meilleure direction aux idées, si bien que depuis cette époque les dispositions les plus favorables aux enfans trouvés, soit dans l’opinion publique, soit dans les lois, ont été inspirées par elle ; et, pour choisir entre tous un exemple singulier de la justesse et de la moralité de ses vues, nous citerons le principe par elle émis de la nécessité de secourir les filles-mères qui veulent élever leurs enfans. Ce principe souleva pendant un demi-siècle de violentes clameurs que justifiait, en partie, la hardiesse cynique des femmes qui, à cette époque, profitèrent des bienfaits de la loi ; mais enfin, grace aux études les plus sérieuses et les plus approfondies, aux résultats de l’expérience, administrateurs et moralistes, tous pensent aujourd’hui, avec