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présentera devant les chambres avec l’ordonnance du 7 décembre : il n’a pas voulu discuter le projet que la chambre des députés attendait, et il apporte une réforme que personne n’estimait urgente. Il est impossible qu’une pareille interversion n’excite pas un débat animé. M. de Salvandy doit s’y attendre et s’y préparer. Il se prévaudra de la droiture de ses intentions et de la persévérance de ses vues ; il pourra montrer pièces en main qu’il a toujours eu sur l’organisation de l’université les mêmes principes et les mêmes projets. Tout cela sera vrai ; mais cela suffira-t-il pour répondre aux objections politiques qui lui seront présentées ? On lui demandera compte de l’ébranlement imprimé aux institutions et aux esprits par une mesure aussi grave ; on en critiquera la forme, on en contestera l’opportunité.

M. de Salvandy croit, par son ordonnance, avoir résolu une question fondamentale ; là est son erreur, car il n’a fait que la poser. Il l’a posée avec hardiesse, trop de hardiesse ; mais, quant au remède employé pour guérir un mal dont il a cru devoir se faire lui-même le dénonciateur officiel, nous doutons qu’il soit définitif et sérieusement accepté, soit par les chambres, soit par l’opinion, enfin par l’université elle-même. On commence, dans ce grand corps, à comprendre qu’au milieu de tant de vues divergentes, de tant de théories contradictoires, on a besoin de l’autorité d’une loi constitutive. Avec une loi, on sera à l’abri de ces ordonnances imprévues, de ces secousses administratives qui viennent troubler le cours régulier des choses ; voilà ce qui se dit aujourd’hui au sein de l’université. De leur côté, les chambres remarqueront infailliblement que les questions que tranche ainsi l’omnipotence ministérielle appartiennent, par leur nature même, au pouvoir législatif. Qui a mission d’organiser, dans un pays constitutionnel, des institutions fondamentales, comme la magistrature, le conseil d’état, l’université, le service militaire, si ce n’est le parlement, c’est-à-dire la puissance réunie de la couronne et des deux chambres ? Si l’ordonnance du 7 décembre n’est qu’une manière de porter la question aux chambres, à la bonne heure ; peut-être seulement cette présentation eût-elle pu avoir lieu sans en faire payer les frais au pouvoir royal.

En ce moment, il n’y a plus de conseil de l’université, car l’ancien conseil royal est dissous, et le nouveau n’est pas encore formé. Dans une époque régulière, dans un temps calme, une pareille situation est étrange. L’été dernier, le conseil d’état a passé du régime de l’ordonnance au régime de la loi, sans interruption, sans secousses : à l’instant même où l’ordonnance de 1839 disparaissait, la loi prenait sa place ; il n’y a pas eu solution de continuité. Aujourd’hui l’université et son chef sont sans conseil ; cette situation est grave, et doit peser à M. de Salvandy. M. le ministre de l’instruction publique doit être impatient de répondre aux craintes, aux défiances, aux objections que son ordonnance a soulevées, et d’y répondre par l’organisation même du nouveau conseil. Ici les choix sont une affaire capitale. C’est par les choix que M. de Salvandy montrera qu’il ne s’est proposé que le plus