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collègues M. Macaulay, aussi distingué comme orateur que comme critique et historien ; lord Morpeth, autrefois secrétaire d’état pour l’Irlande ; M. Baring, autrefois chancelier de l’échiquier ; M. Charles Buller, un des orateurs les plus spirituels du parlement ; sir Thomas Wilde, ancien avocat-général, orateur et légiste de premier ordre, et lord Palmerston, assez connu pour n’avoir pas besoin d’autre désignation. Voilà pour la chambre des communes. Dans la chambre des lords, les ministres whigs seront lord Cottenham, ancien chancelier ; lord Grey, plus connu sous le nom de lord Howick ; le marquis de Normanby, ancien vice-roi d’Irlande sous le nom de lord Mulgrave ; le marquis de Lansdowne, ancien président du conseil, titre, comme on sait, purement honorifique, et le marquis de Clanricarde, ancien ambassadeur à Pétersbourg. L’ambassadeur à Paris serait le comte de Clarendon, ancien ministre plénipotentiaire à Madrid.

Ce ministère est, individuellement, plus brillant que celui qui vient de se retirer, et dans lequel il n’y avait que quatre hommes véritablement politiques, sir Robert Peel, le duc de Wellington, sir James Graham et lord Aberdeen. Lord Lyndhurst et lord Stanley, quoique d’un talent de premier ordre, avaient à peu près abdiqué tout ascendant politique : le reste du cabinet était composé de médiocrités ; mais ce ministère avait le grand avantage de l’unité, il avait un chef qui poussait sa suprématie jusqu’à l’autocratie, et sa politique en avait acquis une décision et un ensemble rares.

Ce n’est pas que lord John Russell exerce moins d’ascendant personnel que sir Robert Peel. Au contraire, sa domination sait peut-être mieux se faire accepter ; mais, supérieur à son éloquent rival par l’étendue de l’esprit et la largeur des principes, il lui est certainement inférieur dans la direction et l’administration des affaires publiques. Or, c’est face à face avec des difficultés matérielles que va tout d’abord se trouver le nouveau ministère. S’il est vrai que la récolte n’ait pas été suffisante, il faudra y parer par des lois immédiates ; mais si le ministère whig se trouve arrêté dès son début, s’il échoue dans la chambre des communes, que fera-t-il ? Une dissolution ? C’est déjà du temps de perdu, et en admettant, ce qui est fort douteux, qu’il trouve une majorité quelconque dans la chambre des communes, la chambre des lords n’est-elle pas là pour lui barrer le chemin ? On a donc raison de prévoir un conflit entre les deux chambres, et de très grandes difficultés pour tout ministère, quel qu’il soit.

Une autre circonstance très grave augmentera encore les embarras de la nouvelle administration. Dans quatre ou cinq jours, le message du président des États-Unis arrivera à Liverpool, et tombera au milieu de la crise anglaise. Si la dissolution du cabinet de sir Robert Peel avait eu lieu un mois plus tôt, si elle avait pu être connue en Amérique avant la réunion du congrès, il est possible qu’elle eût influencé le langage du président et l’eût rendu encore plus provocateur qu’il ne devait l’être. Heureusement pour l’Angleterre, M. Polk aura parlé sans savoir qu’elle était à ce moment-là en pleine crise,