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le Mexique ne peut être qu’illusoire tant qu’il ne sera rien changé aux lois qui régissent ce pays.

Pour traiter avec quelque sécurité, il faudrait donc commencer par fonder au Mexique un pouvoir réel, effectif, stable, un pouvoir qui pût nous garantir l’observation des clauses stipulées. Il faudrait y créer ce que l’Europe a créé en Grèce, un gouvernement, une nation. Avilis par un long esclavage, les Mexicains sont, comme les Grecs, ennemis des étrangers, divisés d’opinions, de familles et d’intérêts. Moins énergiques et moins actifs que les Hellènes, plus arriérés, pour tout dire, ils sont aussi plus dociles, et la tâche d’un pouvoir constituant se trouverait par là bien facilitée.

Deux moyens se présentent pour créer au Mexique cette salutaire influence d’un pouvoir stable et respecté. Un de ces moyens, indiqué récemment par un journal anglais, le Times, consisterait à ériger le Mexique en royaume, et à en placer la couronne sur la tête d’un prince étranger. Le Times désigne un membre de la famille d’Espagne comme devant exciter moins de répugnance dans le pays, et sans doute aussi parce que l’Angleterre le dominerait plus aisément ; mais ce moyen, proposé, en 1821, au Mexique même, par M. Guttierrez Estrada, souleva une effroyable tempête : l’auteur de cette motion dut chercher dans l’exil un abri contre la colère de ses compatriotes. Depuis, bien que la proposition de M. Estrada n’ait pas cessé de gagner des suffrages dans le pays, elle est loin toutefois d’avoir conquis assez de partisans pour être encore applicable. Les préjugés nationaux s’opposent à l’établissement de la royauté ; Santa-Anna lui-même en a fait l’épreuve à ses dépens ; s’il s’est aliéné les cœurs de ses concitoyens, c’est moins par son avarice et sa lâcheté que par cette ambition bien connue qui le portait à rêver la couronne. Pour arriver à l’application du système monarchique au Mexique, il faudrait recommencer l’œuvre de Cortez et refaire la conquête du pays. Ce seraient de grandes dépenses pour arriver à des résultats problématiques. D’ailleurs, les États-Unis ne verraient pas de bon œil une entreprise qui ferait triompher dans leur voisinage un principe opposé à celui de leur constitution. Lors même qu’ils ne l’attaqueraient pas ouvertement, une royauté jeune et mal assise encore pourrait-elle résister à cette démocratie conquérante et furieuse, qui a la prétention de tout vaincre, de tout s’assimiler, de tout régir en Amérique ?

Le second moyen nous paraît plus praticable. Parmi les partis qui se disputent la prééminence au Mexique, on pourrait choisir celui qui offre le plus de garanties pour l’avenir du pays : il faudrait s’appliquer à le faire prévaloir, à le soutenir, à le fortifier, à le diriger. Trois opinions s’agitent au Mexique pour arriver à la présidence ou pour s’y maintenir : ce sont l’opinion absolutiste ou centraliste, l’opinion modérée, et l’opinion fédéraliste ou libérale. Il faut se demander à laquelle de ces opinions peut appartenir l’honneur de régénérer le Mexique.

Le parti absolutiste, assis en 1834 par Santa-Anna sur les ruines de la