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pas regarder les Français de très bon œil ; mais, lorsque, par suite des fautes du gouvernement, l’argent, auquel on venait d’ouvrir tant d’issues, commença à s’écouler sans être remplacé par les produits des mines, les Mexicains songèrent à faire eux-mêmes le commerce. Ils se mirent à acheter dans les ports pour revendre à l’intérieur. Les Français se trouvèrent ainsi en concurrence avec eux. Alors commencèrent les persécutions : on accusa les étrangers d’appauvrir la république en emportant son argent, de ruiner les particuliers en se livrant au commerce de détail, et comme on n’osait s’en prendre aux négocians anglais, qui échappaient à la moitié de ce reproche, la fureur populaire tomba tout entière sur nos compatriotes.

Le signal des vengeances mexicaines contre les Français fut donné à Mexico en 1829, à l’occasion de l’expédition de l’Espagne contre son ancienne colonie. Le peuple de la capitale, ameuté par des meneurs, se rua sur le Parian (bazar de Mexico), où plusieurs négocians espagnols et français avaient leurs magasins ; il brûla et pilla tout ce qui lui tomba sous la main. Depuis cette époque, combien de fois n’avons-nous pas vu, à Mexico, à Zacatecas, au Fresnillo, partout, nos compatriotes, le fusil à la main, couchés à plat ventre sur les terrasses de leurs maisons, pendant que l’émeute grondait dans la rue, et cherchait à enfoncer les portes des boutiques, à dévaster les propriétés de ces maudits Français, malditos Franceses ! Le peuple prit de plus en plus goût à ces persécutions, qui favorisaient son penchant pour le pillage. De leur côté, les autorités subalternes du pays trouvèrent commode, pour courtiser l’opinion, de vexer nos concitoyens ; il n’y eut plus un juge de village qui ne voulût avoir la gloire de tourmenter un Français ; on ferma leurs magasins arbitrairement, on envahit leurs maisons, on les traîna eux-mêmes dans les prisons publiques sous le plus frivole prétexte. Dans certaines localités, on alla jusqu’à attenter à leur vie ; le gouvernement restait impassible devant ces désordres, et les autorisait par son silence.

Les réclamations que fit entendre pendant cinq ans M. Deffaudis, loin de ramener la république dans des voies de modération et de justice, exaspérèrent à tel point l’opinion, qu’on finit par s’en prendre à la personne même de notre ministre. Les plus viles calomnies furent répandues contre le représentant de la France dans des libelles diffamatoires ; on l’attaqua jusque dans son honneur, jusque dans sa famille et dans l’asile sacré de la vie privée[1]. Le gouvernement mexicain semblait croire que la France avait trop attendu pour ne pas attendre encore, et qu’elle ne pouvait sans doute pas agir, puisqu’elle n’avait pas agi depuis si long temps.

Enfin la guerre éclata, et, nous le disons à regret, cette guerre, dont le principe était louable, n’eut que de fâcheux résultats. Aux yeux des Mexicains,

  1. Si nous en jugeons par les déplorables scènes arrivées dernièrement à Mexico, on est resté fidèle à ce triste système, et l’animosité qui avait déjà poursuivi M. Deffaudis n’a pas épargné M. le baron de Cyprey.