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blocus de quelques mois, tout arrangement ayant paru impossible entre le Nicaragua et l’Angleterre, une expédition partie de Balise pénétra dans l’isthme, s’empara des Mosquitos, des Honduras et du Nicaragua. Maintenant les États-Unis peuvent venir ; un autre Canada les attend vers le sud.

L’occupation du Nicaragua est une réponse victorieuse à ceux qui reprochent sans cesse à nos ministres près des républiques américaines de ne pas imiter la patience britannique, et d’entraîner la France par trop de vivacité dans des guerres lointaines et ruineuses pour des questions qui n’en valent pas la peine. L’Angleterre ne supporte jamais les outrages ; elle se montre partout plus jalouse que nous-mêmes des droits de ses sujets, et, si parfois sa politique affecte une longanimité insolite, c’est que son intérêt bien entendu lui commande des ménagemens dont la récompense ne se fait jamais attendre.

D’après ce rapide tableau des relations de l’Angleterre et des États-Unis avec le Mexique, on a pu se convaincre que ces deux puissances poursuivent le même but en Amérique, chacune par des voies conformes à la nature même de son gouvernement. L’Angleterre monarchique agit directement, par la diplomatie, sur les dépositaires du pouvoir ; les États-Unis, constitués d’après le principe de la souveraineté du peuple, s’adressent aux citoyens par les citoyens ; le peuple a l’initiative, le gouvernement et la diplomatie ne viennent qu’après. La politique de la Grande-Bretagne, réduite à se créer des droits avant de les faire valoir, renfermant son action unique dans les limites d’un ministère qui relève lui-même de l’opinion nationale, marche lentement, entravée à chaque pas par l’inhabileté ou le caprice, les révolutions ou les simples changemens dans le personnel des cabinets. La politique des États-Unis, au contraire, laissant à chaque citoyen le libre exercice de sa part de souveraineté, n’éprouve ni obstacle, ni interruption, ni retard ; quel que soit l’état du pays sur lequel elle cherche à exercer son influence, elle y trouve toujours des citoyens à persuader ; les révolutions renversent les gouvernemens, elles ne suppriment point les hommes. Chaque trouble est pour cette politique un élément de triomphe, puisqu’il rompt l’unité du peuple que l’union cherche à s’assimiler ; son action se fortifie à chaque instant du nombre des partisans qu’elle gagne à sa cause. Ce n’est pas un vain droit qu’elle poursuit, un droit vague, indécis, équivoque, qui a besoin, pour être valide, de la consécration du fait ; c’est au fait même qu’elle arrive d’emblée. Émanée du peuple, elle parle, elle répond aux peuples qui l’appellent. L’une de ces politiques enfin, circonspecte, silencieuse, patiente, n’est que la diplomatie ; l’autre est la propagande, la propagande irréfléchie, imprudente, impatiente, mais forte de ses irréflexions, de ses imprudences, de son impatience même, la propagande libre, volontaire, opiniâtre comme la démocratie, qui l’inventa. Lorsque ces deux politiques se trouvent en rivalité chez un peuple assis sur des bases solides, constitué puissamment et habilement gouverné, la victoire peut sembler douteuse : l’esprit d’ordre et de subordination, luttant