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par une guerre les intérêts de ses nationaux, tous les avantages désirés. D’ailleurs, l’envoyé anglais n’était qu’un secrétaire qui remplissait provisoirement les fonctions de ministre ; la Grande-Bretagne pouvait donc, sans avoir l’air de s’humilier, accorder à la demande du gouvernement mexicain le rappel qu’elle eût prononcé, dans tous les cas, deux ou trois mois plus tard. Elle envoya un ministre à Mexico, mais elle exigea que les prétendus drapeaux texiens lui fussent remis en séance solennelle. Ainsi se termina ce premier différend.

Quelques mois plus tard, l’Europe apprit avec une douloureuse surprise les massacres de Tabasco : trente-sept Européens de différentes nations avaient été envoyés à la mort sans jugement ; un seul avait dû la vie à sa qualité d’Anglais. Le ministre de sa majesté britannique présenta aussitôt ses remerciemens à Santa-Anna, et rendit hommage à sa justice ; mais à peine les journaux avaient-ils publié cette note de félicitation, que le consul anglais de Tabasco écrivit à la légation de Mexico pour se plaindre qu’un de ses concitoyens eût été massacré parmi les trente-sept victimes. Aussitôt nouvelle note du plénipotentiaire qui demandait des explications au gouvernement mexicain. Santa-Anna répondit avec son effronterie ordinaire qu’il avait consulté toutes les listes expédiées de Tabasco, et que pas une ne portait le nom indiqué par la légation britannique. On s’était en effet trompé d’orthographe dans les copies mexicaines ; un simple changement de lettre avait fait un Allemand d’un sujet anglais. La discussion en resta là ; le ministre d’Angleterre, prompt à accepter cette explication, déclara qu’il était complètement satisfait.

La longanimité qu’avait montrée l’Angleterre en ces deux occasions prouvait que les négociations sur la Californie étaient à la veille d’être terminées. Le cabinet de Saint-James, effrayé de la démonstration des États-Unis sur cette province, et craignant d’être devancé par eux dans cette position importante, si les hostilités éclataient entre l’Union et le Mexique au sujet du Texas, pressait la conclusion de l’affaire entamée depuis si long-temps avec le gouvernement de Mexico. C’est au moment où rien ne semblait plus devoir retarder cette conclusion, qu’un évènement inattendu vint encore l’ajourner. La révolte de Paredes, qui éclata au mois de novembre 1844, renversa Santa-Anna, et avec lui les espérances du gouvernement britannique. On connut en même temps le secret de sa patience : lorsque les membres du congrès opérèrent au palais national la saisie des papiers de l’ex-dictateur, on trouva dans son secrétaire la copie d’un marché projeté entre Santa-Anna et une maison de commerce anglaise de Mexico, par lequel celle-ci s’engageait à prêter an Mexique 15 000 000 de piastres hypothéqués sur la Californie. Le traité, conclu sous la garantie de l’Angleterre qui devait entrer immédiatement en jouissance de la province engagée, n’attendait que les signatures. On sut aussi que cette dernière formalité ne devait être remplie que le jour où Santa-Anna se serait fait couronner, ainsi qu’il en avait toujours nourri l’ambitieux dessein.