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à l’entrée du golfe de Honduras, sur une côte où les vents du nord règnent à certaines époques de l’année avec une extrême violence, l’Angleterre possédait le seul port oriental de la presqu’île du Yucatan, port magnifique, où, dans un rayon de cinq lieues, mouilleraient en sûreté toutes les flottes du monde, abritées par un groupe nombreux d’îles riantes et fertiles, qui partagent la mer en mille étroits canaux. De là, se portant au moindre prétexte vers le nord ou vers le sud, elle pouvait surveiller de plus près les États-Unis, s’emparer du Yucatan pour commander le golfe, ou descendre vers les Mosquitos, les Honduras et le Nicaragua, couper l’Amérique en deux, percer l’isthme à l’endroit le plus favorable, tendre à la fois un bras vers l’Europe et un bras vers l’Asie, et ne faire qu’un seul fleuve anglais de la Tamise au Gange. C’étaient de hautes et vastes conceptions ; mais, pour en venir là, il fallait savoir attendre, et ne pas éveiller l’attention de l’Europe par des discussions intempestives. Laissant à l’avenir le soin de réaliser ses audacieux projets, le gouvernement britannique essaya de tirer de sa position de protecteur vis-à-vis du Mexique des avantages plus actuels et moins problématiques. Il prévit que le commerce du pays, délivré du joug de l’Espagne, allait s’approvisionner directement aux véritables sources industrielles de l’Europe. Aussi chercha-t-il à mettre tout à la fois fabricans et consommateurs sous sa dépendance, en envoyant dans tous les ports du golfe et de l’Océan Pacifique des vaisseaux chargés d’y recueillir les fonds que les négocians mexicains avaient à faire passer à leurs fournisseurs de l’ancien monde en échange des marchandises expédiées. L’Angleterre prélevait ainsi un courtage forcé sur les opérations commerciales, s’immisçait à la fois dans les spéculations de l’Europe et de l’Amérique, et, bien qu’il n’en résultât pour elle que de faibles bénéfices en numéraire, son influence y gagnait beaucoup. Les commerçans des deux mondes, à qui elle offrait pour le transport de leur argent des avantages de sécurité qu’ils n’auraient point trouvés ailleurs, s’habituaient à regarder cette intervention comme nécessaire, et la Grande-Bretagne trouvait le moyen de tenir, sans de grands surcroîts de dépenses, une flotte entière en commission sur les côtes de l’Amérique.

En récompense de ces prétendus services rendus au commerce et au gouvernement de la république, le gouvernement anglais obtenait, pour ses nationaux, contrairement à la constitution mexicaine de cette époque, l’autorisation de posséder des mines dans le pays. De nombreuses sociétés se formaient à Londres pour l’exploitation des mines du Mexique. Guanahuato, d’abord, puis Real del Monte, Bolaños, Guadalupe y Calvo et plusieurs autres mines passaient aux mains des citoyens de la Grande-Bretagne, dont l’influence s’augmentait encore de la somme des capitaux introduits. Ces concessions en amenèrent d’autres, des capitalistes anglais obtinrent bientôt le droit de battre eux-mêmes la monnaie. L’hôtel des monnaies de Guanahuato leur fut concédé ; ceux de Chihuahua, Zacatecas, Guadalupe y Calvo ne tardèrent pas à devenir aussi leur propriété. Le gouvernement mexicain, dans sa crainte de mécontenter l’Angleterre, ne reculait devant aucun sacrifice ; il