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au sujet de l’Orégon. Aucune d’elles ne voulut se départir de ses prétentions, il y eut de part et d’autre refus complet de se faire les concessions les plus légères ; enfin les États-Unis manifestèrent l’intention formelle de tout garder pour eux : c’est qu’ils croyaient s’être assuré la possession de la Californie.

Dès 1840, le bruit s’était répandu que l’Angleterre allait planter son pavillon dans cette province en vertu d’un contrat de cession passé à Mexico, Aussitôt une escadre américaine vint croiser sur les côtes. Les officiers de la marine de l’Union avaient ordre de se rendre maîtres de la Californie à la première nouvelle de l’ouverture des hostilités entre le Mexique et leur gouvernement. Celui-ci, de son côté, cherchait à amener une rupture en pressant L’annexion du Texas, en exigeant des indemnités excessives pour quelques-uns de ses citoyens lésés dans leurs intérêts à une époque bien antérieure, enfin en déclarant que toute agression du Mexique sur le Texas serait regardée comme une offense directe envers l’Union. En 1842, une frégate américaine s’embossa devant le principal port de la Californie, et s’en empara en pleine paix, sous prétexte qu’elle avait reçu la nouvelle de la rupture des relations amicales entre Mexico et Washington. Cette tentative n’eut pas de suites, puisque la guerre n’avait pas été déclarée ; mais le pavillon américain fut salué avec joie par les Californiens, et l’Union reconnut dès-lors que les sympathies du pays lui étaient acquises. Aussitôt une multitude d’Américains, quittant les établissemens de l’embouchure de la Columbie, se répandirent dans la Californie pour y commencer la propagande.

Une démarche du gouvernement mexicain est venue en quelque façon servir les projets de l’Union. Jusqu’à cette époque, les Californies s’étaient gardées seules ; le gouvernement mexicain a eu, en août 1842, la malheureuse idée d’y envoyer un corps d’armée. Or, il n’y a pas de calamité plus grande au Mexique que le voisinage d’une troupe de soldats ; le désordre, le vol, l’assassinat, entrent avec eux dans un pays. Depuis l’arrivée du général Michiltorrena et de sa division, les paysans californiens ne sortent plus que bien armés et prêts à égorger les soldats mexicains au premier signal. Ce qui était, il y a quelques années, le vœu secret de quelques esprits mécontens, est aujourd’hui un vœu unanime et public en Californie. Tout le monde y appelle à grands cris le gouvernement de Washington.

Même chose arrive dans les provinces de Sonora et de Sinaloa, où dure, depuis 1841, une lutte sanglante, féroce, telle que l’histoire des peuples les plus barbares en offre à peine des exemples. Deux familles rivales, les Gandara et les Urrea, s’y disputent la prééminence. Cette guerre, à laquelle la politique des États-Unis a pris une part active, se terminera par une invasion américaine. Déjà l’un des partis, celui des Gandara, se montre décidé à réclamer la protection de Washington, si le Mexique ne vient pas à son secours. Or, tout le monde sait que, dans l’état actuel, le gouvernement mexicain est hors d’état d’intervenir.

Les États-Unis préparent ainsi, depuis vingt ans, la conquête du nord du