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Cependant leur ambition n’était pas encore satisfaite, et ils ne perdaient pas de vue les côtes de la mer du Sud.

Là s’étend, entre la Californie et les établissemens russes abandonnés en 1843, c’est-à-dire du 42e degré de latitude septentrionale au 54e, le territoire connu sous le nom d’Orégon. Ce territoire, auquel l’Angleterre et les États-Unis prétendent avoir des droits égaux, longe les frontières du Mexique en s’élargissant à mesure qu’il s’enfonce dans l’intérieur du continent. A l’est, ses limites sont encore indécises. Il est probable que les anciens navigateurs, en lui accordant une fertilité presque fabuleuse, l’ont confondu avec la Californie, dont les bornes ne leur étaient pas bien connues. Quoi qu’il en soit, dans la zone qui borde l’Océan Pacifique, ce territoire est couvert de belles forêts, et présente partout l’aspect de la fécondité ; mais à l’intérieur il est, comme toutes les parties élevées de l’Amérique, sec, pierreux, et dépourvu de végétation arborescente ; seulement, durant la saison des pluies, le sol se revêt de ces herbes hautes et épaisses qui ont fait donner le nom de prairies aux plaines du plateau américain. D’immenses troupeaux de bisons sauvages viennent périodiquement y prendre leurs quartiers d’hiver. Le fleuve, appelé Columbia par les uns, Orégon ou Orégan par les autres, débouche dans l’Océan Pacifique vers le 46e degré de latitude. C’est le fleuve de l’Amérique occidentale qui présente le plus long cours navigable. Depuis le cap Horn jusqu’à la hauteur de la mer Vermeille, la grande Cordilière des Andes, appelée par les Espagnols Sierra Madre, range de si près les côtes de l’océan, qu’elle ne laisse entre sa base et le rivage qu’une bande plus ou moins étroite composée de terres d’alluvion, sur laquelle les rivières qui descendent des montagnes ont à peine le temps de se déployer, et ne forment guère que des torrens ; mais, à partir du 30e degré de latitude, le continent s’étend tout à coup vers l’ouest de toute la largeur du golfe et de la presqu’île de Californie ; la Cordilière, se trouvant ainsi reculée à quelques centaines de lieues dans les terres, permet à l’Orégon de ralentir son cours, et de creuser profondément son lit à travers les plaines.

Depuis longues années, la diplomatie de Londres et celle de Washington s’occupaient du partage de ces terres incultes et désertes ; tout portait à croire qu’aucune difficulté ne compliquerait cette affaire, lorsque la question du Texas vint tout à coup changer la situation. Les États-Unis, lancés par les évènemens du Texas dans une voie d’envahissemens et de conquêtes, se virent dans l’avenir maîtres de tout le Mexique ; sentant que l’Orégon était pour eux la clé de la Californie et prenait, par suite de la possession de cette province, une importance qu’il ne pouvait avoir tout seul, ils traînèrent les négociations en longueur, et se mirent à contester à l’Angleterre des droits qu’ils avaient primitivement reconnus. De son côté, pour appuyer ses prétentions sur l’Orégon et arrêter dans l’ouest les progrès de l’Union, la Grande-Bretagne s’efforçait de se faire céder la Californie par le gouvernement de Mexico. L’occupation de cette province devint ainsi une question de priorité entre les deux puissances rivales, et envenima beaucoup leurs discussions