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colonies de la mer du Sud, les États-Unis par leur voisinage, ces deux nations se sont montrées toujours habiles depuis à tirer parti de l’abaissement du Mexique, à profiter de ses fautes, à se partager ses dépouilles. Cependant, par une singulière inconséquence, le Mexique sembla ne voir dans l’Angleterre et les États-Unis que des protecteurs et des alliés, tandis qu’il outrageait follement la seule nation qui eût un intérêt réel à défendre la nationalité mexicaine. C’est une bizarrerie que l’étude attentive de la politique suivie par les trois puissances depuis vingt-cinq ans peut seule expliquer. Nous commencerons par les États-Unis, qui ont exercé sur le Mexique l’influence la plus directe et la plus voisine.

I

Avant que le Mexique se fût rendu indépendant de l’Espagne, une colonie américaine avait obtenu du gouvernement de Madrid la permission de s’établir sur les côtes du golfe, entre l’embouchure de l’Arkansas et celle du Rio-Bravo-del-Norte, dans la province du Texas. Cette colonie reconnaissait la suzeraineté de l’Espagne, relevait directement de la vice-royauté de Mexico, avait son gouverneur, ses lois, sa garnison espagnols, et, sans la liberté de conscience stipulée pour elle seule, rien ne l’eût distinguée des autres états mexicains. Pourtant les liens du sang, de l’affection, d’une origine commune, rattachaient la colonie texienne au pays d’où elle venait, et le cabinet de Washington, dans ses prévisions ambitieuses, ne cessait de veiller sur elle avec une paternelle sollicitude. Les États-Unis préludaient ainsi à leurs entreprises futures, et faisaient un premier pas en dehors du territoire de l’Union.

Les colons du Texas eurent à lutter contre de nombreux obstacles : les émanations pestilentielles d’un sol vierge et marécageux exercèrent d’affreux ravages dans la colonie naissante ; mais, une fois acclimatés, les Texiens virent tous ces obstacles se changer en sources de richesses, et la fertilité de la terre compensa les pertes causées d’abord par son insalubrité. Cependant l’éloignement qu’éprouvaient les Américains pour la domination espagnole, à laquelle ils étaient obligés de se soumettre en se fixant au Texas, peut-être aussi les craintes qu’inspirait le climat, ne permirent pas à la colonie de faire des progrès bien rapides pendant la première période de son existence. Dès que l’indépendance eut été proclamée, et surtout dès que le système fédéral eut permis à chaque province de se gouverner elle-même, tout en restant partie intégrante de l’union mexicaine, l’émigration vers le Texas devint plus considérable, et le gouvernement des États-Unis, on le comprend sans peine, favorisa ce mouvement de tout son pouvoir. En 1834, ce qui n’était, quelques années auparavant, qu’un établissement précaire était devenu un pays florissant ; de nombreuses habitations garnissaient la côte, et Galveston offrait déjà l’aspect d’une ville animée.

Les révolutions qui avaient agité le Mexique avant 1834 n’avaient eu qu’un