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corridor, et pénétra, guidée par la tourière, dans une petite salle froide. nue et mal éclairée ; cette pièce était le parloir de la supérieure. Les murs, simplement blanchis à la chaux, étaient ornés, en guise de tableaux, d’inscriptions pieuses encadrées dans des feuillages bleus et jaunes d’un goût tout-à-fait primitif. Une table et quelques chaises de paille composaient tout l’ameublement. Dans le fond de la salle, il y avait une large ouverture grillée à travers laquelle on parlait aux personnes séculières.

— Asseyez-vous, mademoiselle, dit la sœur tourière avec empressement ; je vais avertir notre mère que vous êtes ici. Quelle joie pour son cœur de présenter à la communauté une personne si charmante et qui lui tient d’aussi près ! Quel jour de bénédiction pour notre maison !

Elle s’en alla à ces mots, d’un pas encore agile et en faisant sonner le trousseau de clés suspendu à sa ceinture. Anastasie tomba toute transie sur une chaise ; le premier aspect du couvent lui semblait fort triste, et, en effet, le château délabré de son père était un lieu de plaisance en comparaison de cet édifice environné de noires murailles, et où tout annonçait les renoncemens, l’étroite pauvreté de la vie monastique. Mais elle ne demeura pas long-temps livrée à ses réflexions, la porte du parloir s’ouvrit, et une religieuse entra posément, les bras croisés sur sa poitrine et les mains cachées dans les amples manches de sa robe : — Ma chère enfant, soyez la bienvenue ! dit-elle en baisant Anastasie au front et en la considérant d’un regard tout à la fois mélancolique et satisfait.

— Vous êtes ma sœur, ma sœur Euphémie ! s’écria celle-ci en lui prenant les mains et les serrant contre son cœur.

— Je suis la mère Angélique de la Charité, répondit la supérieure en souriant ; ici, mon enfant, la parenté spirituelle remplace les liens du sang ; je ne suis plus votre sœur, car je suis votre mère en Jésus-Christ. — Vous voici donc parmi nous, ma fille ? ajouta-t-elle en arrêtant sur les yeux d’Anastasie son regard clair et profond, j’avais cru long-temps que vous ne rejoindriez pas vos aînées, et que la volonté de nos parens était de vous garder pour prendre soin de leur vieillesse.

— Ce n’est pas la volonté seule de mon père qui m’a amenée ici ; répondit Anastasie, c’est ma vocation.

— Une vocation subite ? demanda la religieuse.

— Oui, ma mère, répondit Mlle de Colobrières en baissant les yeux, comme si elle eût craint que le regard pénétrant de la mère