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Bréguet ont très ingénieusement tiré parti d’une des propriétés les plus curieuses des courans développés par la pile. Lorsqu’un de ces courans circule dans un fil de cuivre enroulé autour d’un morceau de fer doux, son influence métamorphose ce fer en un aimant énergique, qui peut par conséquent attirer et fixer tout morceau de fer placé à sa portée ; mais aussitôt que le courant s’arrête, cet aimant improvisé redevient une masse inerte, et abandonne l’objet qu’il retenait auparavant avec une très grande force. On donne le nom d’électro-aimans à ces barreaux, qui ne doivent leurs propriétés momentanées qu’à l’action d’un courant électrique.

Eh bien ! les stylets indicateurs de MM. Bréguet et Konstantinoff sont soutenus au-dessus du cylindre mis en mouvement par deux électro-aimans, dont les fils espacés à volonté sont tendus sur le trajet du boulet. Celui-ci les coupe en passant, et à l’instant même les électro-aimans cessent d’agir, les stylets tombent, et le nombre de divisions comprises entre leurs deux empreintes donne le nombre de millièmes de seconde employé par le projectile à parcourir l’espace qui séparait les deux fils. De petits appareils spéciaux viennent, dès que le fil de l’électro-aimant est coupé, lui en substituer un autre, de sorte que les stylets sont relevés aussitôt qu’ils ont fait leur marque sur le cylindre, et l’on peut mesurer ainsi rigoureusement la vitesse d’un même boulet dans vingt ou trente points différens de sa trajectoire.

Ce n’est jamais du premier bond que l’homme atteint complètement un but quelconque ; ce n’est point du premier coup d’œil qu’il embrasse toutes les conséquences d’un principe, d’une découverte. Les procédés chronométriques que nous venons de décrire subiront, sans nul doute, des perfectionnemens. Ils se prêteront à des applications encore imprévues. Tels qu’ils sont présentés par MM. Pouillet, Bréguet et Konstantinoff, ils n’en ont pas moins une grande importance, car tout nouvel instrument de précision sert de point de départ à des recherches jusque-là impossibles, et conduit parfois aux résultats les plus inattendus. Mesurer exactement la chaleur et la pression de l’atmosphère put paraître à une certaine époque une affaire de pure curiosité, et cependant quels services n’ont pas rendus déjà à la science aussi bien qu’aux arts pratiques le thermomètre et le baromètre ?


Les problèmes de mécanique résolus par la nature chez les êtres vivans sont en général d’une complication telle, que nos plus habiles artistes hésitent à courir les chances d’une comparaison qui ne ferait voir souvent, dans leurs plus hardis chefs-d’œuvre, que, de grossières et lointaines imitations. Cependant, lorsqu’un organe est altéré ou détruit, on a recours à eux, et des nez, des dents, des palais, des mains, des jambes, des yeux artificiels, ont été fabriqués presque de tout temps. Malheureusement ces emprunts faits par la médecine dissimulent quelquefois une difformité d’une manière plus ou moins complète, mais ne remplacent guère la fonction détruite, et cependant de quelle utilité ne serait pas dans bien des cas l’application des arts mécaniques aux hommes qu’un accident a privés de certains membres ! M. Van