Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/978

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inscriptions et belles-lettres l’avait nommé en novembre 1836 pour succéder à Petit-Radel, et il eut bientôt une place dans la commission de l'histoire littéraire : le XXe volume de cette collection reçut de lui l’article sur Brunetto Latini, et le XXIe doit en contenir plusieurs autres. Mais tous ces développemens de l’érudit et ces applications, en quelque sorte officielles, trouveront ailleurs des biographes attentifs. Pour nous, nous aurons assez atteint notre objet, si nous avons réussi à montrer l’homme et l’esprit même. Durant la seconde moitié de sa vie et après le coup qui, en 1822, en avait brisé la première part, l’amitié avait peu à peu réparé les vides et comme refait cercle autour de lui : c’était l’amitié encore telle qu’il la concevait et la réclamait, une assiduité pleine de douceur dans les choses de l’intelligence et de l’affection, et, comme l’a dit le poète,

Le jour semblable au jour, lié par l’habitude.


Ainsi, des nuances de joie, tenant aux satisfactions du cœur, se mêlèrent pour lui jusqu’au bout aux applications de l’esprit, et il s’acheminait, sans trop la sentir, dans l’inévitable tristesse des ans. Il mourut presque subitement des suites d’une opération qu’on n’aurait pas crue si grave, le 15 juillet 184.4. Sa pensée vivra, et rien du moins n’en sera perdu. Ses manuscrits, transmis en des mains fidèles, seront publiés avec un choix éclairé[1]. Sous une forme ou sous une autre, toutes les idées qu’avait conçues ce rare esprit sont sorties ou sortiront ; sa renommée après lui se trouvera mieux soignée que par lui. De premiers et dignes hommages lui ont été payés sur sa tombe par M. Guigniaut au nom de l’Institut, par M. Victor Le Clerc au nom de la Faculté des lettres ; d’autres éloges viendront en leur lieu. M. Piccolos, dans le journal grec l’Espérance (Athènes, 28 août 1844), s’est fait l’organe des témoignages bien dus par ses compatriotes à. la mémoire du plus modeste et du plus effectif des écrivains philhellènes. La France ne lui doit pas mains ; le XIXe siècle surtout serait ingrat d’oublier son nom, car on peut apprécier désormais avec certitude quelle place il a tenue dans ses origines, quel rôle unique il y a rempli, et quelle part lui revient à bon droit dans les fondations de l’édifice auquel d’autres ont mis la façade, et pas encore le couronnement.


SAINTE-BEUVE.

  1. Ils ont été légués par l’auteur à Mlle Clarke, à l’amie la plus dévouée et la plus attentive à s’acquitter de tous les soins que peut inspirer la piété du souvenir.