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sont de vrais chapitres d’histoire, le style de Fauriel s’affermit, sa parole s’anime et se presse, il trouve un nerf inaccoutumé d’expression ; on dirait que, dans ce sujet de son choix, il a véritablement touché du pied la terre qui est sa mère. C’est de tous ses ouvrages celui dans lequel il a mis le plus de verve et de chaleur ; il y a des pages écrites avec effusion. — Dans un supplément ajouté au second volume, Fauriel faisait entrer de nouvelles poésies qu’il avait recueillies en dernier lieu durant ses voyages d’Italie, à Venise et à Trieste, de la bouche même des réfugiés, et il aimait à dater la petite préface de ce supplément, de Brusuglio proche Milan, c’est-à-dire du toit de Manzoni.

L’effet de cette publication en France fut des plus heureux et des plus favorables à la cause qu’elle voulait servir. Nous ne saurions mieux le rendre qu’en empruntant le jugement de M. Jouffroy qui, au moment où l’ouvrage parut, en fit le thème d’une série d’articles et d’extraits dans le Globe[1].


« M. Fauriel, y disait-il en commençant, familiarisé depuis long-temps avec cette sorte de recherches où la littérature et l’histoire se commentent l’une par l’autre, a conçu l’heureuse idée de recueillir, au profit des lettres, ces chants populaires des Grecs modernes, et d’en tirer, pour l’instruction de l’histoire, des renseignemens irrécusables sur leur condition politique et civile, leurs habitudes domestiques et religieuses, et les principaux évènemens qui avaient, avant l’insurrection, signalé leur existence nationale. Il en est résulté un livre où tout est neuf, et que les littérateurs et les historiens se disputeront, parce qu’il offre à ceux-là un monument poétique de la plus grande originalité, et à ceux-ci des documens authentiques sur un peuple inconnu que l’Europe vient de découvrir au milieu de la Méditerranée. Tel est l’ouvrage de M. Fauriel. »


Et, à la fin de son travail, Jouffroy concluait :


« Nous persistons à croire que, de tous les ouvrages publiés sur la Grèce moderne, aucun autre ne jette d’aussi vives lumières sur la question encore si incertaine de son émancipation ; il est le seul en effet qui nous fasse connaître les ressources morales et le génie de cette nation malheureuse, et l’on peut dire qu’à cet égard chaque page de ce précieux document est une révélation et, pour ainsi dire, un gage de plus que les espérances de l’Europe civilisée ne seront point déçues… Telle est la conviction consolante qui résulte de la publication de M. Fauriel, et, si les Grecs doivent, au nom

  1. Voir les nos des 30 octobre, 20 novembre, 18 décembre 1824, et du 19 février 1825.