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ajoutées à toutes celles qui pesaient déjà sur les consommations et sur les objets de luxe. Rappelant, au moment où il allait quitter la direction des finances, les résultats de sa longue administration, il mit toute son habileté à prouver que, malgré le fardeau accablant de la guerre, les résultats n’avaient pas été aussi onéreux pour le pays qu’on eût pu le croire au premier aperçu ; à côté des emprunts conclus depuis huit années, il montra 52 millions sterling de l’ancienne dette éteints par l’action de l’amortissement, le crédit affermi au point que, dans les dernières années, le taux de l’intérêt des emprunts s’était abaissé de 6 à 4 et demi pour 100, le revenu public plus élevé que jamais, le commerce plus florissant, les exportations et les importations accrues considérablement, la marine puissamment renforcée et comptant maintenant deux cent eux vaisseaux de ligne. Exposer ainsi les choses, ce n’était sans doute présenter qu’un des côtés de la question, mais ce côté était brillant. Le budget fut accordé sans difficulté.

Cependant une complication bien grave était survenue dans la situation si difficile où se trouvait l’Angleterre. Le roi, violemment agité par la lutte qu’il avait eu à soutenir sur la question des catholiques et par les préoccupations que lui causait la retraite de Pitt, avait de nouveau perdu la raison. Pendant plusieurs semaines, il fut complètement hors d’état de prendre part aux affaires publiques, et on ne put par conséquent terminer les arrangemens nécessaires pour l’organisation du nouveau cabinet. Si cette situation se fût prolongée, on se serait vu replacé, au milieu d’une guerre terrible, en présence de cette redoutable question de régence qui, douze ans auparavant, dans un temps de profonde paix, avait déjà mis le pays en péril. Une sorte de consternation s’empara des esprits, et comme on s’accordait à voir, dans la maladie du roi, l’effet des agitations que lui avait fait éprouver la dissolution du ministère, Pitt fut généralement accusé d’avoir provoqué sans nécessité une crise aussi effrayante. Le roi lui-même, lorsqu’il commença à reprendre l’usage de ses facultés, exprima la conviction que cette rechute était le résultat de la violence morale qu’on avait voulu lui faire pour obtenir son consentement à une mesure que repoussait sa conscience. Pitt, ému de ces reproches, déclara hautement qu’il n’était plus possible d’insister sur ce qu’il avait demandé pour les catholiques. On se persuada que ce langage annonçait de sa part le désir de rentrer au pouvoir. Addington alla le trouver, par ordre du roi, pour l’inviter à reprendre dans le cabinet la place qu’il venait de quitter, mais il s’y refusa absolument, promettant d’ailleurs de nouveau, dans les termes les plus formels, d’appuyer ses successeurs.