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furent écoutés. Il réussit également à faire repousser une demande d’enquête sur l’état de la nation que Tierney avait appuyé par des attaques très violentes contre la politique extérieure du cabinet. Un long discours, dans lequel le ministre développa les motifs qui avaient dû empêcher l’Angleterre de donner suite aux négociations tentées récemment avec la France, fut très favorablement accueilli.

Ce vote avait précédé de peu de jours la bataille de Hohenlinden et la défection de l’Autriche. L’impression produite par ces évènemens fut immense en Angleterre. Les esprits les plus fermes se sentirent ébranlés. Lorsque le parlement uni ouvrit, au mois de janvier 1801, sa première session, l’opinion publique réclamait unanimement la fin d’une guerre désormais sans espoir. Pitt n’essaya point de résister à cet entraînement, mais il ne voulut pas, après avoir refusé l’année précédente une paix qui eût pu alors être conclue à des conditions avantageuses, subir l’humiliation des clauses auxquelles on devait s’attendre en de telles circonstances. Le langage injurieux qu’il avait tenu récemment contre le dominateur de la France le rendait d’ailleurs peu propre à diriger les négociations. Il ne pouvait pourtant motiver ainsi sa retraite, c’eût été mettre l’Angleterre aux pieds de l’ennemi, et rendre- trop pénible la tâche de ses successeurs. Il trouva, dans les complications d’une question toute différente, un prétexte d’autant plus spécieux que ce n’était pas purement un prétexte, et que de ce côté-là aussi il rencontrait des difficultés très sérieuses.

Pitt avait toujours été disposé à délivrer les catholiques des restrictions qui pesaient sur eux, aussitôt que l’état général du pays permettrait de le faire sans de graves inconvéniens. La réunion de l’Irlande à la Grande-Bretagne étant, à ses yeux, une garantie efficace contre les périls qu’une telle mesure eût pu entraîner dans le premier de ces deux pays, nous avons vu qu’un des moyens dont il avait fait usage pour persuader aux Irlandais de renoncer à leur indépendance législative, c’était de leur représenter que cette renonciation lèverait le principal obstacle qui empêchait l’abolition des incapacités encore attachées à la profession de la foi catholique ; nous avons vu aussi que cette argumentation s’était transformée, pour beaucoup d’esprits, en une véritable promesse. Bien que Pitt ait nié constamment la promesse, il voulut accomplir ce qui lui semblait tout à la fois un acte d’équité et une convenance de la situation. Le système qu’il avait conçu consistait à substituer aux déclarations religieuses, jusqu’alors exigées des membres du parlement et de la plupart des fonctionnaires publics, déclarations incompatibles avec la croyance catholique, un simple serment d’allégeance envers le roi et la constitution. Des garanties