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même avaient épuisée, et les ramener en Russie, où le rappelaient les ordres de son souverain.

Un revers non moins accablant frappa bientôt après, sur un autre point de l’Europe, les armes russes, associées aux armes anglaises. Le cabinet de Londres avait formé le plan d’une expédition destinée à rétablir en Hollande l’autorité du stathouder. En vertu d’un traité conclu à cet effet avec le cabinet de Saint-Pétersbourg, ce cabinet, moyennant un subside mensuel de 75,000 livres sterling, avait mis à la disposition de l’Angleterre 18,000 soldats, 6 vaisseaux, 5 frégates, et d’autres bâtimens. L’armée anglo-russe, forte de 40,000 hommes et portée par une escadre formidable, débarqua dans le nord de la Hollande sous les ordres du duc d’York. Elle commença par s’emparer du Helder, et la flotte hollandaise, qui se trouvait dans le Texel au nombre de 11 vaisseaux et de 3 frégates, sans compter 5 bâtimens de la compagnie des Indes, arbora les couleurs du prince d’Orange ; mais la suite des évènemens ne répondit pas à cet heureux début. Le général français Brune, avec des forces inférieures, remporta sur les alliés deux victoires qui jetèrent le duc d’York dans le plus complet découragement. Aussi timide au conseil que brave sur le champ de bataille, il s’empressa de demander une capitulation qui lui permît de se rembarquer, et il ne l’obtint qu’en promettant la mise en liberté de huit mille Français et Hollandais faits prisonniers dans les campagnes précédentes. Bien que cette expédition eût eu le résultat, toujours si précieux pour l’Angleterre, de diminuer, encore, par la défection de l’escadre hollandaise, ce qui restait à ses ennemis de puissance navale, la triste capitulation du duc d’York excita à Londres un sentiment d’humiliation et de colère qui se manifesta par des publications injurieuses et par de sanglantes caricatures dirigées tant contre le ministère que contre le prince lui-même. L’empereur de Russie n’apprit qu’avec la plus extrême exaspération ce nouvel affront fait à ses armes. Rejetant sur la politique égoïste de ses alliés ces échecs inattendus, il résolut dès-lors de ne plus prendre part à la lutte.

Sur le continent, les succès, on le voit, avaient été partagés, mais hors d’Europe et sur toutes les mers, la guerre, qui avait pris cette année un développement extraordinaire, n’avait pas cessé un seul instant d’être favorable à la Grande-Bretagne. Ses innombrables escadres dominaient également l’Océan et la Méditerranée, où chaque jour, par quelque capture nouvelle, elles réduisaient encore la marine, déjà si affaiblie, de la France et de l’Espagne. Elles tenaient Malte étroitement serrée pour réduire par la famine cette île importante que