Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/912

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

obtenus par le traité de Campo-Formio. Il commençait à comprendre qu’il avait poussé à bout la patience des peuples aussi bien que celle des gouvernemens. Les Belges se soulevaient contre la conscription militaire récemment établie ; la campagne de Rome, secrètement excitée par la cour de Naples, courait aussi aux armes pour rétablir l’autorité du pape, et ce n’était pas sans peine qu’on réprimait ces insurrections, encore isolées. Les dominateurs de la France regrettèrent sans doute alors d’avoir poussé les choses trop loin. A Rastadt, le langage de leurs plénipotentiaires changea tout à coup ; ils rétractèrent, ils modifièrent au moins ce qu’il y avait de plus exagéré dans leurs demandes. On devint singulièrement conciliant à l’égard de l’Autriche, dont l’attitude prit, au contraire, une fermeté toute nouvelle ; on parla même d’ouvrir des négociations avec l’Angleterre et la Porte ; on alla jusqu’à supporter patiemment les provocations de la cour de Naples.

Ces démonstrations pacifiques ne produisirent aucun effet, soit que les coalisés ne les crussent pas bien sincères, soit qu’ils fussent déjà trop engagés pour revenir sur leurs pas. L’Angleterre triomphait. Naguère complètement isolée, elle voyait les puissances continentales se placer peu à peu sur le terrain que seule elle avait constamment occupé. Le cabinet de Londres, dirigeant la fougue de la Russie, ranimant le courage de l’Autriche, excitant les passions de la Porte et de la cour de Naples, était l’ame de cette seconde coalition bien plus qu’il ne l’avait été de la première, formée au hasard et sans dessein prémédité. En ce moment même, de nouvelles conquêtes venaient ajouter à l’éclat que la bataille d’Aboukir avait jeté naguère sur les armes britanniques, des avantages moins glorieux sans doute, mais importans aussi : un faible corps de débarquement enlevait à l’Espagne l’île de Minorque ; un détachement de l’escadre de Nelson s’emparait de l’île de Gozzo, dépendance de Malte ; Malte même était bloquée ; la domination britannique s’établissait dans la Méditerranée.

C’est dans ces circonstances que s’ouvrit, le 20 novembre, la session du parlement. Le discours du trône, bien différent de ceux des années précédentes, rappelait avec orgueil les succès récemment obtenus, et exprimait de grandes espérances pour l’avenir. Les adresses furent votées presque sans opposition. Les remerciemens, les pensions proposés en faveur des héros d’Aboukir, furent accordés à l’unanimité. Déjà Nelson, devenu l’idole de la nation, avait été élevé à la pairie.

Le parlement eut ensuite à pourvoir aux dépenses de plus en plus énormes que faisait prévoir le nouveau développement donné à la guerre. Les armemens projetés s’élevaient à deux cent cinquante mille