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nouveau qui, réduisant pour cette année l’emprunt à 12 millions sterling, dont un tiers devait être fourni par le fonds d’amortissement, demandait 7 millions de plus à l’impôt en triplant les taxes directes. Deux limitations importantes étaient d’ailleurs apportées à cette surcharge : d’une part, il était dit qu’elle ne s’élèverait pour personne au-dessus du dixième du revenu affirmé sous serment par la partie intéressée ; de l’autre, tout revenu inférieur à 200 livres sterling ne devait supporter le nouvel impôt que dans une proportion progressivement décroissante. Ce plan fut vivement combattu. Fox, Sheridan et les autres membres de l’opposition, qui avaient cessé d’assister aux séances du parlement, sortirent de leur retraite comme si un péril nouveau, suspendu à l’improviste sur le pays, leur eût fait une loi de se désister de leur résolution. Ils protestèrent qu’ils n’accorderaient pas un shelling à un ministère dont la chute pourrait seule donner la paix au pays. Fox s’efforça de cacher sous la virulence de son langage les embarras de la situation où il s’était placé ; mais Pitt fit admirablement ressortir ce qu’il y avait d’inconséquent, d’odieux, de peu patriotique dans la conduite de ses adversaires, et le bill, amélioré par d’assez nombreux amendemens, fut voté à la majorité de 196 voix contre 71. Il fut aussi adopté par la chambre des lords, malgré les efforts du neveu de Fox, lord Holland, qui venait de commencer sa carrière parlementaire. Sur la proposition de l’orateur de la chambre des communes, Addington, on avait ajouté au projet ministériel une clause qui faisait appel au sentiment national en annonçant que le trésor recevrait toutes les contributions volontaires offertes pour concourir à la défense de l’état. Le produit de ces souscriptions s’éleva à 1,500 mille livres sterling.

Le gouvernement français, cependant, enivré de ses succès et livré sans contre-poids, depuis le 18 fructidor, aux inspirations de son ambitieuse politique, ne mettait plus de bornes à ses prétentions. Sans attendre que le congrès qui venait de se réunir à Rastadt lui eût garanti ses précédentes conquêtes, il travaillait à étendre de toutes parts sa domination ou son influence par la force et par la propagande révolutionnaire. Sous des prétextes qui n’étaient pas même spécieux, il occupait Rome, détrônait le pape et substituait à son autorité un pouvoir purement démocratique ; il soufflait la guerre civile chez les Suisses, et, malgré leur résistance désespérée, les contraignait, au nom de la liberté, à remplacer leurs vieilles constitutions par une organisation nouvelle étrangère à leurs mœurs, mais conforme au patron obligé de la constitution directoriale.

Sans se préoccuper des inquiétudes et des ressentimens que de pareils