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très énergique. Leurs prétentions étaient plus élevées que celles des marins de Portsmouth et portaient même sur des détails plus compromettans pour la discipline. Ils les soutinrent aussi avec plus d’insolence. Parker exigea que les lords de l’amirauté vinssent conférer avec lui, et il les traita sans aucun ménagement. Il fut impossible d’arriver à une transaction.

La situation était effrayante. Onze vaisseaux de ligne et treize frégates se trouvaient à la disposition d’un comité de matelots qui, tantôt semblaient disposés à les livrer aux Français, tantôt parlaient de se porter à des hostilités déclarées contre leur gouvernement. Déjà ils interceptaient la navigation de la Tamise. Dans une telle extrémité, la royauté, le ministère, le parlement, surent se maintenir à la hauteur de leurs devoirs. Une proclamation royale offrit le pardon à ceux des révoltés qui se soumettraient, mais on déclara, après une délibération solennelle du conseil, que leurs conditions ne seraient pas acceptées, et on prit avec beaucoup de vigueur et d’habileté les mesures nécessaires pour les arrêter s’ils essayaient de remonter la Tamise. Le parlement avait déjà été saisi de la question par un message royal qui lui demandait des dispositions pénales plus efficaces contre les tentatives faites pour agiter et soulever les marins des escadres. La chambre des communes, par une adresse votée dès le lendemain à l’unanimité, promit son concours au gouvernement. Sheridan, s’élevant au-dessus des tristes calculs de l’esprit de parti, appuya l’adresse dans un des discours les plus éloquens qu’il ait prononcés. Pitt, s’empressant de profiter de cet entraînement favorable, affirma qu’il existait une vaste conspiration tramée dans la pensée de soulever à la fois la flotte et l’armée ; il présenta un bill provisoire qui punissait de mort la tentative d’entraîner des militaires à un acte séditieux. Ce bill passa dans les deux chambres sans rencontrer d’opposition. On vota aussi une augmentation de solde pour l’armée, comme on l’avait fait pour la marine.

Une attitude si résolue et si calme tout à la fois étonna les rebelles. Ils se sentirent accablés sous la réprobation de leur pays, sous le désaveu même de leurs camarades de Portsmouth et de Plymouth, qui, comme pour expier leurs torts antérieurs, protestaient vivement contre une insurrection plus coupable que la leur et en demandaient le châtiment. Le découragement, la discorde, se glissèrent bientôt parmi les insurgés. Quelques équipages, se séparant du reste de l’escadre, firent les premiers leur soumission ; les autres ne tardèrent pas à suivre cet exemple. Parker et quelques-uns des principaux chefs