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la France en prétendant la forcer à rendre toutes ses conquêtes. Le gouvernement britannique, dans un autre manifeste rédigé avec plus de mesure, prouva que ce n’était pas lui qui avait montré l’esprit le moins conciliant. Ce qui contribua sans doute à précipiter le brusque congé donné à lord Malmesbury, c’est que, quelques jours auparavant, une escadre, commandée par l’amiral Villaret Joyeuse, était sortie de Brest, portant en Irlande un corps de troupes considérable, qui, sous les ordres de Hoche, devait seconder les efforts des mécontens de ce pays, d’après un plan concerté entre eux et le directoire. Heureusement pour l’Angleterre, la tempête dispersa les bâtimens de cette expédition, qui furent forcés de regagner les côtes de France.

Peu de jours après le retour de lord Malmesbury, un message royal informa le parlement du triste résultat de sa mission. Pitt demanda à la chambre des communes d’approuver, par une adresse de remerciement, la conduite que le gouvernement avait tenue. Il s’attacha, dans un long et habile exposé, à prouver que le directoire avait eu, dès le commencement, l’intention de faire échouer une tentative qui contrariait ses vues ambitieuses. Erskine, Fox, Grey, s’efforcèrent, au contraire, de démontrer la sincérité du directoire et la mauvaise foi du cabinet britannique. Malgré leurs déclamations, l’adresse fut votée à une immense majorité. Il en fut de même à la chambre des lords, où le comte de Fitzwilliam essaya même, par un amendement auquel les ministres durent s’opposer, de faire interdire toute négociation avec le gouvernement français tant qu’il n’aurait pas désavoué, en fait comme en paroles, les principes de sa politique perturbatrice.

Bien que le mauvais succès de l’expédition préparée en France pour insurger l’Irlande eût tiré le gouvernement anglais d’un grand danger, sa situation était vraiment effrayante. Il n’était plus, comme trois ans auparavant, à la tête d’une coalition européenne dirigée contre la France. Presque tous ses alliés l’avaient abandonné, et quelques-uns d’entre eux, maintenant enrôlés sous la bannière française, étaient devenus ses ennemis. L’Autriche seule lui restait, elle faisait même en ce moment un nouvel effort pour réparer ses désastres d’Italie ; mais il était facile de prévoir que, si cet effort échouait, elle ne s’opiniâtrerait pas dans une lutte périlleuse et accepterait enfin les conditions assez avantageuses que la France, dans son désir d’isoler l’Angleterre, ne cessait de lui offrir. On avait pu un moment espérer, à Londres, que la Russie, sortant de sa longue inaction, viendrait combler les vides de l’alliance, encourager l’Autriche et peut-être réveiller la Prusse de son engourdissement ; mais Catherine était morte