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par ses triomphes, et voyant dans le gouvernement anglais le seul obstacle sérieux qu’elle eût encore à surmonter pour dominer l’Europe, songeait non plus à se défendre contre ses agressions, mais à porter la guerre jusque sur son territoire. Depuis long-temps déjà le directoire entretenait des intelligences avec les catholiques et les révolutionnaires irlandais ; il savait que cent mille d’entre eux s’étaient engagés par serment à prendre les armes pour secouer le joug britannique, et il se préparait à seconder cette insurrection par l’envoi d’une escadre et d’un corps auxiliaire.

En Angleterre l’opinion se prononçait de plus en plus pour la paix. Le parlement était sur le point de se réunir. Une élection générale venait de renouveler la chambre des communes dissoute, suivant l’usage, un an avant le terme de sa durée septennale. Cette élection n’avait ni changé ni même affaibli sensiblement la majorité ; mais, dans l’état des esprits, il n’eût pas été prudent aux ministres de se présenter devant elle sans avoir à lui offrir des gages positifs de leurs dispositions pacifiques. On se décida donc à entamer formellement des négociations avec la France. Au moment où les victoires de l’archiduc Charles semblaient permettre à la coalition de faire plus honorablement des avances, le secrétaire d’état des affaires étrangères, lord Grenville, pria le ministre de Danemark à Paris de demander au directoire des passeports pour un négociateur que le gouvernement britannique se proposait d’envoyer dans cette capitale. Le directoire s’étant refusé à accepter, même pour cette démarche préliminaire, l’intervention d’une autre puissance, mais ayant fait entendre que les passeports seraient délivrés s’ils étaient directement demandés, lord Grenville en écrivit à Charles Delacroix, le ministre français des relations extérieures, qui les lui fit passer aussitôt.

Tandis que lord Malmesbury, désigné pour cette importante mission, faisait ses préparatifs de départ, le roi ouvrit, le 6 octobre 1796, la première session du nouveau parlement. Le discours du trône, tout en annonçant la négociation qui allait s’engager, indiquait la nécessité de prendre des mesures pour déconcerter les projets d’invasion que les Français paraissaient méditer contre le territoire même des îles britanniques. Les adresses des chambres ne donnèrent lieu qu’à peu de débats. Chez les lords, le comte de Fitzwilliam proposa un amendement qui tendait à subordonner la paix au rétablissement de la monarchie française ; mais sa voix ne trouva pas d’écho. L’opposition applaudit à la mission de lord Malmesbury, parce qu’elle y voyait un triomphe pour la politique qu’elle avait toujours essayé de faire pré