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un pareil cours. Les deux bills devaient rester en vigueur pendant trois ans.

Les ministres donnèrent pour motif à ces mesures extraordinaires la nécessité de réprimer des provocations séditieuses dont une triste expérience venait de révéler le danger. L’opposition, n’admettant pas que les sociétés et les réunions contre lesquelles on demandait une répression si énergique eussent eu la moindre part aux désordres qui avaient affligé le pays, affirma qu’il fallait en chercher la cause dans l’excès des calamités publiques et dans l’irritation excitée par les fautes des ministres, fautes si énormes, si inexcusables, qu’on eût pu les qualifier de trahison. Elle se livra aux déclamations les plus véhémentes contre des projets qui, suivant elle, ne tendaient à rien moins qu’à asservir la nation en la dépouillant de ses droits les plus chers, et qui détruisaient les bases même de la constitution. Fox s’emporta jusqu’à dire que, dans le cas où de telles lois viendraient à passer, si on l’interrogeait sur l’obéissance qui pourrait leur être due, il répondrait que ce n’était pas là une question de devoir, mais une question de prudence. Pitt répondit avec une rare vigueur à cette audacieuse provocation. « Je croirais, s’écria-t-il, je croirais manquer à mes obligations comme membre du parlement, à mes sentimens comme homme, à mon attachement pour mon souverain, à ma vénération profonde pour la constitution, si je ne manifestais toute l’horreur que m’inspirent de semblables principes. Nous devons nous féliciter d’ailleurs de la franchise que M. Fox vient de mettre dans son langage. La chambre et le pays pourront apprécier maintenant ses actes par ses paroles, et juger du respect qu’il professe pour les lois et pour le parlement. Tous les vrais amis de la constitution en comprendront mieux combien ils sont obligés de s’unir pour la défendre. » Fox voulut s’expliquer : il n’avait parlé, dit-il, que du cas hypothétique où les bills seraient votés par une majorité corrompue du parlement contrairement au vœu de la grande majorité nationale. Comme Windham le fit remarquer, cette prétendue explication était loin d’atténuer la portée d’un appel à la révolte que Sheridan et Grey renouvelèrent d’ailleurs en termes non moins violens. Ces emportemens, bien qu’appuyés au dehors par une fermentation très vive et par des pétitions couvertes de cent mille signatures auxquelles le ministère put à peine en opposer trente mille péniblement obtenues, firent peu d’impression sur le parlement. Telle était la disposition des esprits dans une partie de la chambre des communes, que le gouvernement y fut même accusé d’avoir trop tardé à proposer des moyens de défense contre les