Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/860

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ils avaient à défendre une cause odieuse en elle-même autant que contraire au sentiment national. Ils se sentaient plus à l’aise lorsqu’au lieu de chercher des atténuations ou des excuses aux crimes du jacobinisme, ils pouvaient dénoncer dans la conduite des puissances qui le combattaient des atteintes portées à ces principes d’ordre et de justice qu’elles se disaient appelées à venger. Ils ne manquaient pas une occasion de déclamer contre l’oppression de la Pologne, comparant les procédés iniques dont elle était victime aux actes les plus coupables de la convention, et s’étonnant que le gouvernement anglais pût les tolérer et s’allier même aux oppresseurs, lui qui avait trouvé un motif de guerre dans l’attitude menaçante de la France à l’égard des états voisins. Personne dans le parlement n’essayait de justifier l’odieuse politique de la Prusse et de la Russie, mais Burke faisait remarquer que le gouvernement britannique n’avait ni l’obligation ni la faculté de s’ériger en vengeur de toutes les injustices commises dans l’univers, et qu’il n’était tenu de s’opposer qu’à celles qui blessaient les intérêts anglais. Les traitemens barbares que le gouvernement autrichien fit subir à M. de Lafayette fournirent aussi à l’opposition un texte de déclamations éloquentes. Proscrit en France et forcé de se réfugier à l’étranger pour avoir essayé de relever le trône après le 10 août, il expiait dans la dure captivité d’Olmütz des torts antérieurs qu’une pareille tentative eût dû faire oublier, et dont l’appréciation et le châtiment n’appartenaient d’ailleurs en aucun sens à l’Autriche. Le général Fitzpatrick, son ami, proposa à la chambre des communes de voter une adresse au roi pour déclarer que la détention de ce sincère ami de la liberté, banni de son pays parce qu’il avait voulu défendre la monarchie contre les jacobins, était contraire aux intérêts de l’Angleterre et de la coalition, pour demander en même temps qu’on intercédât à l’effet d’obtenir sa délivrance. Fox appuya la proposition avec une éloquence entraînante. On pouvait répondre et on répondit en effet que, le cabinet de Londres n’ayant aucun droit, aucun intérêt fondé à alléguer pour réclamer la liberté de M. de Lafayette, une telle démarche ne servirait qu’à compromettre sa dignité et à embarrasser ses relations extérieures. C’en était assez pour repousser une motion plus généreuse que réfléchie ; mais, dans l’état d’exaspération où la majorité était alors contre tout ce qui tenait à la révolution française, on ne s’arrêta pas là. On reprocha ironiquement aux auteurs de la motion d’être infidèles à leur aversion ordinaire pour toute intervention dans les affaires des autres pays. Par une amère allusion aux exécutions sanglantes qui continuaient à