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du gouvernement français. La motion de Fox fut rejetée à une immense majorité. À ces accens de haine et d’indignation dont retentissait le parlement britannique répondaient, dans la convention française, ceux de la plus barbare fureur. On y dénonçait le cabinet de Londres à la vindicte de tous les peuples comme le fléau de l’humanité, comme soudoyant l’assassinat, le poison, l’incendie. Pitt surtout était l’objet des malédictions des révolutionnaires. Un décret le déclara l’ennemi du genre humain.

Il s’en fallait de beaucoup pourtant que la guerre se fît alors avec l’ardeur et la vivacité que semblaient annoncer de pareilles manifestations. On serait tenté de croire que les alliés, ne doutant plus du succès de la lutte, se plaisaient à en prolonger la durée afin de se créer ainsi des titres plus spécieux aux avantages particuliers qu’ils espéraient, en concluant la paix, stipuler pour leur compte. Ces calculs intéressés, plaie mortelle, mais presque inévitable, des coalitions, se révélaient au grand jour depuis que la fortune des armes, en favorisant les puissances, leur permettait de ne plus se préoccuper uniquement de leur salut. Au lieu de porter rapidement sur Paris les 200,000 hommes du prince de Cobourg, l’Autriche faisait assiéger Condé, Valenciennes, le Quesnoy, et ce n’était pas au nom du fils de Louis XVI, c’était au nom de l’empereur qu’elle prenait possession de ces places fortes. Par ce procédé imprudent autant que peu généreux, elle jetait des germes de colère et de ressentiment au sein même de l’émigration ; elle irritait, elle poussait à la résistance les hommes qui, restés sur le sol français, mais impatiens du joug des terroristes, eussent peut-être accueilli l’étranger comme un libérateur, si on ne les eût obligés à craindre le démembrement du territoire de la patrie. L’Angleterre, de son côté, n’ayant pas, comme l’Autriche, d’acquisitions territoriales à désirer sur le continent, cherchait ses indemnités au-delà des mers. Pondichéry et Tabago étaient déjà tombés en son pouvoir. Elle préparait d’autres expéditions contre le reste de nos colonies. C’était à ces conquêtes, si parfaitement inutiles au succès final de la guerre, qu’elle employait des forces qui eussent plus utilement appuyé l’insurrection vendéenne, et qu’on avait un moment pensé à y consacrer. Toulon avait proclamé la royauté de Louis XVII et appelé les alliés à son secours. Des escadres anglaise, espagnole et sarde y portèrent des troupes de débarquement et se mirent en possession du port, mais on ne prit aucune mesure vraiment efficace pour protéger contre les révolutionnaires cette importante position, et l’Angleterre s’opposa à ce