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les soustraire à l’influence des agitateurs démocrates, il faisait passer un bill qui leur accordait le droit de voter aux élections et l’admission à un grand nombre d’emplois dont jusqu’alors ils avaient été exclus. D’autres concessions furent faites à la partie la plus modérée de l’opposition irlandaise.

Cependant la guerre, jusqu’alors si favorable à la France, avait pris tout à coup une direction telle que ses ennemis durent un moment espérer le triomphe le plus complet. Dumouriez, vaincu à Nerwinde par l’armée autrichienne que commandait le prince de Cobourg, s’était vu forcé d’évacuer la Belgique. Rejeté sur le territoire français, pressé entre un ennemi victorieux et la convention, dont ses victoires avaient à peine désarmé jusqu’alors les jalouses défiances, il s’était décidé à entrer en pourparlers avec les alliés ; il leur avait promis, s’ils arrêtaient l’invasion imminente et s’ils lui garantissaient leur concours éventuel, de marcher sur Paris et d’y relever le trône constitutionnel en faveur du fils de Louis XVI. Cette offre avait été acceptée. A la vérité, Dumouriez, abandonné par son armée presque entière, s’était trouvé hors d’état d’accomplir ses engagemens, et bientôt il n’avait plus eu d’autre ressource que de passer en fugitif dans le camp ennemi ; mais l’armée française affaiblie, désorganisée, ne pouvait plus même protéger la frontière. Vainement ses généraux, stimulés par les ordres menaçans du comité de salut public, recommençaient presque journellement des attaques désespérées pour essayer de ramener la fortune. Toujours repoussés, chassés de position en position jusque derrière la ligne de la Somme, ils ne paraissaient plus en mesure de couvrir Paris, et nul n’eût pu prévoir alors l’excès d’impéritie qui devait leur laisser le temps d’organiser des moyens de résistance. Du côté du Rhin aussi, la France se voyait enlever presque sans coup férir toutes ses conquêtes. Étourdi par ces revers inattendus, le gouvernement français avait abaissé son orgueil jusqu’à demander au gouvernement britannique la permission d’envoyer à Londres un agent chargé de négocier la paix, mais il n’avait obtenu aucune réponse. Les girondins, qui jusqu’alors avaient conservé la direction des affaires, et dont les efforts opposaient une dernière barrière aux fureurs de la faction jacobine, succombèrent sous le contre-coup de tant de désastres qu’ils n’avaient pas su prévenir. On les accusa de faiblesse, de connivence, de trahison même. La journée du 31 mai les livra à l’implacable haine des jacobins, qui dès-lors dominèrent sans partage. Le règne de la terreur fut inauguré.

Cette révolution nouvelle parut d’abord devoir compléter le triomphe