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navales dont notre marine, trop peu nombreuse, ne pouvait assurer le transport sous pavillon français. On signifia aux gouvernemens neutres que les croiseurs anglais saisiraient tout navire se dirigeant vers les ports de France ou sortant de ces ports. Vainement la cour de Copenhague réclama contre cette violation des principes du droit des gens. On lui répondit que le pouvoir établi en France n’était pas un gouvernement, et que la guerre engagée contre lui était une guerre sociale à laquelle les règles habituelles ne pouvaient s’appliquer.

Pour subvenir aux dépenses qu’entraînait cet ensemble de mesures, il fallut créer des ressources extraordinaires. Sur la proposition de Pitt, la chambre des communes vota un emprunt de 4,500,000 liv. sterling, et assura le paiement des intérêts par la prolongation des taxes temporaires établies trois ans auparavant à l’occasion des armemens faits contre l’Espagne. La création d’une loterie acheva de combler le déficit. Afin de soutenir le commerce, que la guerre avait frappé subitement d’une sorte de paralysie, on ouvrit un crédit de 5 millions sterling en billets de l’échiquier que des commissaires furent autorisés à prêter, sur dépôt de marchandises, aux commerçans qui en feraient la demande.

Le parlement n’avait plus qu’une pensée, la pensée de fortifier le pouvoir contre les ennemis de toute espèce qui menaçaient l’ordre social. On se préoccupait surtout alors des relations que les révolutionnaires du pays entretenaient avec les jacobins français, et la législation existante ne semblait pas fournir des garanties suffisantes contre un tel danger. Le procureur-général sir John Scott, depuis chancelier sous le nom de lord Eldon, présenta, pour le conjurer, un bill dont les dispositions étaient d’une extrême sévérité. On déclarait coupables de haute trahison, et par conséquent passibles de la peine capitale, tous ceux qui seraient convaincus d’avoir vendu, remis ou fait remettre aux personnes exerçant en France l’autorité souveraine, à leurs armées ou à leurs vaisseaux, des provisions militaires ou navales, de l’argent, du blé, des habillemens ou autres objets de nécessité, d’avoir acheté des terres en France, d’avoir placé de l’argent dans les fonds français, ou d’avoir prêté en France sur hypothèque territoriale. Des peines moins énormes, mais très graves encore, atteignaient tout Anglais qui se serait rendu en France sans une permission spéciale, qui, s’y trouvant en ce moment, serait revenu en Angleterre sans autorisation, ou qui, pendant la durée de la guerre, aurait assuré des bâtimens français. L’opposition combattit cette mesure