Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/734

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

là-haut. Pour cette cause, la fleur ne périra pas tout entière, et sa mort ne sera qu’une transformation. L’Amour appelle à son aide l’abeille, et lui dit : « Va butiner le suc de ce calice, afin qu’il serve ensuite d’élément à ton industrie. » Et lorsque le vent d’automne se lève, il n’emporte que la feuille flétrie ; l’essence distillée par l’abeille échappe à l’extermination. De cette essence, l’Amour, en se jouant, crée un flambeau, qui reçoit pour destination d’éclairer des lueurs du printemps les sombres ténèbres de l’hiver ; dans cette cire lumineuse, en effet, est l’haleine du printemps et l’éclat des fleurs. En elle est le feu du soleil et le murmure de la source. — Mais nous ne touchons pas au terme des métamorphoses : le poète, dont l’hallucination s’est accrue en mesure des prodiges auxquels il assiste, se voit tout à coup transporté au sein d’un monde imaginaire. L’Éden fleurit autour de lui ; la voix du rossignol ivre d’amour se mêle, sous des feuillages frémissans, au bruit de la cascade argentée, et, pour comble d’étonnement, à l’endroit où la mousse plus touffue, plus veloutée, promet un lit moelleux et frais, il aperçoit sa sultane changée en une rose merveilleuse, qu’une brise de mai balance. La bougie qui naguère tremblottait modestement sur le guéridon du boudoir est devenue le soleil du tableau, et comme tel inonde d’un torrent de feu le sein de la mystique rose, où le diamant et la perle semblent former deux gouttes de rosée. Le poète demeure immobile, absorbé dans sa contemplation, lorsque tout à coup un léger bourdonnement vient l’en distraire. Au cœur même de la cire enchantée, quelque chose grésille et s’agite ; il regarde : ô prodige ! ce sont des myriades d’abeilles d’or qui se dégagent du rayon et tendent par essaims vers le calice embaumé de la fleur pour y commencer leur métier d’ouvrières empressées. Déjà elles vont butiner les humides perles qui tremblent à son collier, quand notre poète, touchant la rose de ses lèvres, met fin au charme, et se retrouve dans les bras de sa maîtresse. — Ainsi se termine, par une fantasmagorie à la manière d’Hoffmann, par un de ces feux d’artifice que l’auteur du Pot d’or tire si volontiers avec la lune et les étoiles, cet aimable poème où je reconnais au passage, habilement modifiée d’ailleurs, grace aux délicates ciselures de la forme, plus d’une idée de Novalis, qui, on peut le dire, se trouve de la sorte mêlée au torrent de la circulation.

Nous voudrions pouvoir parler aussi de Flos et Blankflos, franche et sentimentale imitation du vieux poème de Konrad Flecke, et dont ce mystique naturalisme que nous venons de voir à l’œuvre fait encore tous les frais. — Le poète, égaré dans le bois vers l’heure où le soleil décline,