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est (écrivait de lui Benjamin Constant), il est doublement aimable au fond de l’Allemagne, où il est rare de rencontrer ce que nous sommes accoutumés à trouver à Paris, en fait de gaieté et d’esprit, et Villers, qui est distingué sous ce rapport, à Paris même, l’est encore bien plus parmi les érudits de Gottingue. » - Fauriel rendit compte, dans la Décade (10 floréal an XII, 1804), de l’Essai, de Villers, sur l’Esprit et l’influence de la Reformation, que l’Institut venait de couronner. En appréciant et faisant valoir les mérites et les vues de l’ouvrage qu’il examine, le critique se permettait différentes remarques dont quelques unes donnent jour dans ses propres opinions. Villers, comme plus tard Benjamin Constant, établissait pour cause générale de la corruption de l’esprit religieux la surcharge et la grossièreté des formes qui servent d’organes à cet esprit. Selon lui, la préférence accordée à la forme sur l’esprit constitue la superstition tandis que la préférence inverse constitue le mysticisme. Mais Fauriel, dans une suite de questions très fermement posées, lui demandait :


« Les dogmes extravagans, les fables ridicules n’appartiennent-ils pas à l’esprit plus qu’à la forme d’une religion, ou du moins ne peuvent-ils pas agir sur cet esprit et le corrompre sans le secours d’aucune forme extérieure ; et dès-lors n’y a-t-il pas lieu à réformation dans un cas inverse à celui admis exclusivement par l’auteur ? Un système religieux ne peut-il pas être très absurde avec des formes extérieures très simples ? L’attachement exclusif au matériel des religions caractérise-t-il exactement la superstition, et peut-il y avoir superstition sans l’influence des opinions, des idées et des sentimens ? La mysticité, que le C. Villers regarde comme l’opposé de la superstition, est-elle autre chose que la superstition raffinée des imaginations vives auxquelles manque le contre-poids du jugement ? »


Villers, pour mieux démontrer les bienfaits de la Réformation, s’était posé à lui-même la question suivante : Que serait-il arrivé en Europe et en quel sens auraient marché les choses et les esprits, si la réformation n’avait pas eu lieu et si Rome avait triomphé de Luther ? Et il avait répondu que l’Europe aurait très probablement rétrogradé vers le moyen-âge. Mais Fauriel trouve que la question était susceptible d’une solution contraire ; il lui semble « que toutes les causes de la Réformation renforcées et multipliées par quelques excès de plus dans l’exercice de l’autorité papale, et surtout par un degré de plus d’instruction et de lumières, degré que, d’après les données essentielles de la question, nul obstacle ne pouvait empêcher, il lui semble, dit-il, que toutes ces causes, pour avoir agi un peu plus tard, n’en eussent agi que d’une manière plus générale et plus complète. » En un mot, que