Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/653

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce matin ; faites-moi le plaisir avant dîner, mon cher Fauriel, de savoir, sans vous compromettre, tout ce qui peut être relatif à lui. Venez un peu de bonne heure, car je vais à Henri VIII. Mille amitiés. Vous ne vous lasserez pas de faire tout le bien que vous pourrez[1]. »


Pour clore cet épisode si honorable à Fauriel, et qui ne saurait être indifférent au lecteur, pour achever de couronner le souvenir de cette liaison avec Mme de Staël, je ne veux plus citer d’elle à lui que deux petites lettres encore, l’une de 1803, quelques mois après la publication de Delphine, l’autre de février 1804, lorsque, dans les commencemens de son exil, elle était en train de faire son premier voyage d’Allemagne. On voit dans la première de ces lettres en quels termes affectueux et pleins d’une tendre estime Mme de Staël renoue une correspondance interrompue, et passe outre à une négligence :


Ce 8 avril (1803)

« Quoique votre long silence m’ait fait beaucoup de peine, mon cher Fauriel, je n’ai pu me persuader que Delphine ne vous eût pas intéressé, ni que vous eussiez entièrement oublié son auteur. Il me semble que nous sommes faits pour être amis, et je l’attends, votre amitié, comme cette moitié d’une lettre déchirée qui peut seule expliquer l’autre. — Vous ne m’invitez pas beaucoup à revenir ; mais j’ai un tel dégoût du pays que j’habite, que je ne puis suivre ce conseil, et j’espère une fois, quand nous nous reverrons, vous expliquer un peu cette disposition. Si j’ai une campagne près de Paris ; vous m’y donnerez quelques jours ; nous lirons, nous causerons, nous nous promènerons ensemble, et je croirai moins de mal de la nature humaine, quand votre ame noble et pure me fera sentir au moins tout le charme et tout le mérite des êtres privilégiés. — Adieu, mon cher Fauriel ; à présent que je ne saurai plus de vos nouvelles par Benjamin, vous devriez m’écrire directement. »


Dans la dernière lettre qu’on va lire, et qu’elle lui écrit d’Allemagne, elle lui jette de loin ces noms de Goethe et de Schiller, comme à celui qui, presque seul alors en France[2], savait les comprendre :

  1. Et le lendemain : « Voilà la lettre de Mathieu. Je vous prie de tâcher de lui avoir son rendez-vous pour demain. Réponse ou non, venez me voir à quatre heures. Je dîne en ville ; je vous mènerai où vous allez. Avez-vous ouï dire qu’on fût bien en colère contre le Tribunat ?… »
  2. Joignez-y si vous voulez, Villers, Vanderbourg ; je cherche en vain d’autres noms.