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aux environs du 9 thermidor : « Pignon (est-il dit dans la note du Bulletin), le plus chaud des républicains, le premier de la république, comme l’appelait un de ses partisans, fut même poursuivi, et l’officier municipal Fauriel en quitta son écharpe de dépit. » Cette seconde démission donnée par Fauriel lui ressemble trop pour que nous ne le reconnaissions pas à ce mouvement et comme à ce geste naturel. Quant à la qualification de républicain exalté, que le Bulletin attache à son nom, nous n’y pouvons voir qu’une expression exagérée de ce qui, à un certain jour, dut être en effet le vrai de ses sentimens. M. Fauriel était et (puisque nous sommes amené à le dire) resta toujours républicain au fond, sans trop entrer dans les nuances, et comme il convenait à un ancien sous-lieutenant de La Tour d’Auvergne. Sous la discrétion extrême de ses paroles en politique, sous l’aménité parfaite de ses manières, on aurait pu distinguer jusqu’à la fin en lui cette noble fibre persistante et la chaleur d’une conviction patriotique intime survivant même à toutes les étincelles. Nous sera-t-il permis, comme indice à égard, de noter son goût très vif pour Carrel ? Qu’on veuille bien nous comprendre ni plus ni moins : il y avait tout au fond de la pensée de Fauriel en politique comme un certain coin réservé, nous n’entendons pas autre chose. Il disait d’ailleurs dans l’intimité et avec cet esprit libre d’illusions : « Je suis volontiers pour la république, à condition qu’il n’y ait pas de républicains. »

Que fit le jeune Fauriel durant les années du Directoire, de 1795 à 1799, époque où nous le retrouverons ? Il disparaît pendant ce laps de temps, et il ne nous reste à supposer qu’une chose à peu près certaine, c’est qu’il vécut dans son pays, travaillant et étudiant sans relâche. Il faut bien qu’il en ait été ainsi, puisqu’on le rencontre, tout au sortir de là, sachant extrêmement bien le grec, l’italien, l’histoire, la littérature, déjà enfin un savant. La Décade philosophique n’aura pas de rédacteur plus compétent, plus avancé en tous les ordres de connaissances. Une lettre d’un de ses camarades de jeunesse nous montre qu’il avait même songé, durant ces années du Directoire, à étudier la langue turque, et il avait donné commission à cet ami qui partait pour Constantinople de lui envoyer grammaire et vocabulaire. Il écrivait dès-lors beaucoup, comme il fit toute sa vie, sans projet aucun de publication, sans autre but que de fixer ses idées, et il se contentait de lire à ses amis particuliers ses essais d’ouvrages. Un séjour de plusieurs mois qu’il fit à Paris, peu avant le 18 brumaire, dut le remettre en relation étroite avec quelques compatriotes, personnages