Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que les Égyptiens devaient, sous ses yeux, exécuter des travaux aussi parfaits qu’à aucune autre époque.

Mais l’accord de ces deux témoignages d’un ordre si différent vient confirmer toutes les autres données, tirées à la fois de l’histoire et des monumens, qui ont été rassemblées et coordonnées dans ce mémoire. Ils concourent tous à détruire cette opinion, encore si répandue, que, lors de l’arrivée d’Alexandre, l’ancienne Égypte n’était plus que l’ombre d’elle-même ; ils attestent au contraire que tout s’y était conservé presque sans altération, beaux-arts, langue, écritures et calendrier, administration, lois, religion, usages, arts mécaniques et industriels. En un mot, la continuité de la civilisation égyptienne, dans toutes ses branches, depuis la formation de son système graphique, qui se perd dans la nuit des temps, jusqu’à l’époque de Platon, d’Eudoxe et d’Alexandre, est un fait désormais hors d’atteinte, et l’on est en droit à présent de reléguer dans la région des chimères toute hypothèse qui se fonderait sur un prétendu anéantissement ou même sur une diminution notable dans les notions scientifiques dont les Égyptiens auraient été jadis en possession ; car, en présence de cette continuité de toutes les branches de la civilisation, cet anéantissement partiel serait un phénomène inexplicable.

Si les Perses ont transmis l’Égypte aux Grecs à peu près telle qu’ils l’avaient trouvée, pourrait-on s’étonner maintenant de ce que les Égyptiens ont construit des édifices religieux sous la domination de ces nouveaux souverains, dont ils reconnaissaient la tolérance et la protection en associant leurs images dans les temples à celles des dieux nationaux ? Les faits positifs qui résultent de la coïncidence des inscriptions grecques et hiéroglyphiques sur les monumens sacrés de l’époque grecque et romaine se lient donc maintenant sans efforts à toute la marche de l’histoire, et ce mémoire devient une préparation indispensable à l’histoire de la période suivante, puisqu’il donne d’avance la théorie des faits qui se sont passés en Égypte sous la domination des Lagides.

Je reviens, en finissant au passage de Platon. On voit qu’il résume à la fois tous les monumens et tous les témoignages, et qu’il donne une expression abrégée, mais complète, ou, comme on dirait dans l’école de Vico, une formule générale pour l’histoire de la civilisation égyptienne.


LETRONNE.