Page:Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 10.djvu/602

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

influence de la terreur et d’un patriotisme farouche, proclama la république. Un général habile et heureux, Dumouriez, chassa les Prussiens de la Champagne, qu’ils avaient envahie, et conquit les provinces belges sur les Autrichiens, vaincus à Jemmapes. La Savoie et le comté de lice furent enlevés au roi de Sardaigne, allié du cabinet de Vienne. Enfin, dans l’enivrement de ces succès inespérés, la convention promit solennellement son appui aux peuples qui voudraient conquérir leur liberté. Tout cela s’était fait en quelques semaines.

En apprenant la catastrophe du 10 août, le cabinet de Londres avait rappelé de Paris son ambassadeur et refusé de reconnaître plus long-temps le caractère diplomatique de l’envoyé qui, accrédité par l’infortuné Louis XVI, consentait à représenter, après sa déposition, le gouvernement nouveau. Plus tard, inquiet des progrès des armes françaises, il avait fait offrir à la Hollande, déjà menacée, des secours qu’elle avait déclinés de peur de se compromettre en les acceptant prématurément. Cependant toutes communications n’avaient pas cessé entre l’Angleterre et la France, et on permettait encore à M. de Chauvelin de rester à Londres. Pitt n’avait pas complètement renoncé à, l’espoir de maintenir la paix, bien que plusieurs de ses collègues, appuyés en dehors du cabinet par une opinion puissante, la jugeassent déjà impossible et dangereuse. En France aussi, le pouvoir exécutif, moins aveugle que la convention, désirait ne pas accroître le nombre de ses ennemis. Des explications écrites s’échangeaient encore. Lord Grenville réclamait contre la réunion de la Savoie au territoire français, décrétée par la convention, contre l’occupation des Pays-Bas et l’invasion déjà imminente de la Hollande, contre l’ouverture de l’Escaut, contraire aux traités européens, contre les appels qu’avait faits la convention à la révolte de tous les peuples. M. de Chauvelin et le conseil exécutif de France niaient quelques-uns des faits allégués, interprétaient les autres dans un sens plus favorable, essayaient de justifier ce qu’ils ne pouvaient contester, promettaient quelques garanties, quelques réparations, mais les subordonnaient à la reconnaissance de la république par le gouvernement britannique, et se plaignaient à leur tour de l’embargo mis dans les ports anglais sur des bâtimens chargés de grains pour la France. Un agent confidentiel, Maret, depuis duc de Bassano, fut envoyé à Londres, et eut avec Pitt un entretien dont les termes, beaucoup plus mesurés que ceux des notes de lord Grenville, lui donnèrent la conviction que le premier ministre désirait sérieusement conserver la paix. Malheureusement on était arrivé à une de ces situations extrêmes où les destinées des états ne se décident plus dans les cabinets. Dans l’un comme dans l’autre