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mais il déclara que dans les circonstances nouvelles où l’on se trouvait placé, une tentative semblable ne serait propre qu’à enfanter l’anarchie. Il repoussa absolument les théories radicales, les principes anti-constitutionnels invoqués par les Amis du Peuple à l’appui de leur proposition. Enfin, il protesta que s’il lui fallait opter entre les périls auxquels le pays serait exposé par de telles innovations et la nécessité de renoncer pour jamais à tout espoir de réforme, il n’hésiterait pas à prendre ce dernier parti. De vifs applaudissemens accueillirent cette déclaration si nette. Burke et Windham s’élevèrent aussi avec beaucoup de chaleur contre la manie de changemens qui agitait les esprits. Fox et Sheridan défendirent, au contraire, la cause de la réforme et la société des Amis du Peuple, accusée par le ministère de tendances républicaines ; mais, au langage de Fox, il était facile de s’apercevoir qu’il combattait plutôt pour l’honneur des principes qu’avec l’espoir ou même avec le désir bien vif du succès.

L’agitation produite par les clubs et par les écrits séditieux, qui s’attaquaient à la constitution même, prenait un caractère de plus en plus grave. Non content de diriger des poursuites contre le plus audacieux des pamphlétaires, Thomas Payne, qui se réfugia en France, le gouvernement crut devoir s’efforcer de conjurer le danger au moyen d’une manifestation extraordinaire. Une proclamation royale, dont la rédaction avait été concertée avec Burke et ses amis, fut publiée pour prémunir le peuple contre les menées des agitateurs et pour enjoindre aux magistrats de rechercher les auteurs, imprimeurs et distributeurs de ces écrits, comme aussi de prendre toutes les autres mesures nécessaires au maintien de l’ordre. Cette proclamation ayant été communiquée officiellement au parlement, on proposa, dans la chambre des communes, d’y répondre par une adresse remplie de témoignages de dévouement au roi et à la constitution. L’opposition, par l’organe de Grey, présenta un amendement qui tendait à rendre les ministres responsables du désordre des esprits, qu’ils avaient en quelque sorte favorisé, dit-on, tant par l’impunité accordée pendant plusieurs mois à la circulation des libelles les plus subversifs qu’en ne réprimant pas avec assez d’énergie l’émeute de Birmingham. Un débat très animé s’engagea sur l’adresse et sur l’amendement. L’opposition reprochait au gouvernement de travailler à diviser les whigs, dont l’union avait assuré depuis un siècle le maintien des institutions, de mettre tout en couvre pour rendre à jamais impossible la réforme parlementaire, de calomnier les associations qui cherchaient à la préparer, de ne pas même hésiter à provoquer des troubles pour agir sur les esprits, enfin de